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L’Union européenne contrôle désormais les subsides provenant de pays hors UE : le Règlement FSR est en vigueur

Droit des entreprises

Dans notre newsletter du 27 juin 2023, nous avons examiné en détails le système mis en place par la Belgique, sous l’impulsion de l’Union européenne, pour le filtrage des investissements directs étrangersIDE », voir La Belgique adopte son système de filtrage des investissements directs étrangers : quelles conséquences attendre? | Schoups) ; cette réglementation est entrée en vigueur le 1er juillet 2023.

02 novembre 2023


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Parallèlement, le Règlement (UE) 2022/2560 du 14 décembre 2022 relatif aux subventions étrangères faussant le marché intérieur (le “Règlement”, J.O. 23 décembre 2022) est entré en vigueur en deux temps :

 

  • Depuis le 12 juillet 2023, la Commission européenne a le pouvoir d’investiguer d’office les opérations ayant pris place et tombant potentiellement dans le champ d’application du Règlement ;

  • À partir du 12 octobre 2023, les obligations de notification ou de déclaration dans le cadre (i) des « concentrations » (article 21 du Règlement) et (ii) des procédures de passation de marchés publics ou de concessions (article 29 du Règlement) entrent en vigueur.

 

Le Règlement est d’une importance cruciale pour tous les praticiens M&A dans la mesure où le terme « concentrations » recouvre les opérations de prise partielle ou totale de contrôle de même que les mises en place de joint-ventures.

 

Nous commencerons par examiner l’origine ainsi que la raison d’être du régime ainsi mis en place, avant d’épingler quelques définitions, d’expliquer brièvement ses tenants et aboutissants et d’exposer quelques-unes des conséquences potentielles.

 

1.   Origine et ratio legis

Le constat posé par le législateur européen est double (considérants 1 et 6 du Règlement) :

 

  • L’Union dispose déjà d’un système de contrôle des aides d’État, qui empêche les États membres d’octroyer des aides d’État qui faussent indûment la concurrence dans le marché intérieur ;

  • Il n’existe toutefois aucun instrument de l’Union qui s’attaque aux distorsions causées par les subventions étrangères.

Le Règlement a donc principalement « pour objet de contribuer au bon fonctionnement du marché intérieur en établissant un cadre harmonisé afin de lutter contre les distorsions causées, directement ou indirectement, par les subventions étrangères, en vue de garantir des conditions de concurrence équitables » (article 1, §1 du Règlement).

 

Pour rappel, le Règlement s’applique dans les cadre des « concentrations » et des « procédures de marchés publics ou de concessions ».

 

2.   Définitions

Nous avons vu que le Règlement s’applique aux subventions étrangères qui sont susceptibles de causer, directement ou indirectement, des distorsions de concurrence sur le marché intérieur.

 

2.1.       Subventions étrangères (article 3 du Règlement)

Il s’agit de l’octroi, directement ou indirectement, par un pays tiers, d’une contribution financière qui confère un avantage à une entreprise exerçant une activité économique dans le marché intérieur et qui est limitée, en droit ou en fait, à une ou plusieurs entreprises ou à un ou plusieurs secteurs.

 

Un contribution financière est constituée notamment par :

 

a)    un transfert de fonds ou de passifs, tels que des apports en capital, des subventions, des prêts, des garanties de prêts, des incitations fiscales, des compensations de pertes d’exploitation, des compensations de charges financières imposées par les pouvoirs publics, des annulations, une conversion de la dette en capital ou des rééchelonnements de dettes;

 

b)    un abandon de recettes normalement exigibles, telles que des exonérations fiscales ou l’octroi de droits spéciaux ou exclusifs sans rémunération adéquate; ou

 

c)    la fourniture ou l’achat de biens ou de services.

 

Par pays tiers, on entend notamment le gouvernement central, tous les échelons des pouvoirs publics, ainsi qu’une entité publique étrangère ou même privée, dont les actes peuvent être attribués au pays tiers.

 

La définition est donc particulièrement large.

2.2.       Distorsions dans le marché intérieur (article 4 du Règlement)

Une distorsion dans le marché intérieur est réputée exister lorsqu’une subvention étrangère est de nature à renforcer la position concurrentielle d’une entreprise dans le marché intérieur et lorsque, ce faisant, cette subvention étrangère affecte réellement ou potentiellement la concurrence dans le marché intérieur.

 

Plusieurs indicateurs peuvent être pris en compte, notamment :

 

a)    le montant de la subvention étrangère;

 

b)    la nature de la subvention étrangère;

 

c)    la situation de l’entreprise, notamment sa taille, et des marchés ou secteurs concernés;

 

d)    le niveau et l’évolution de l’activité économique de l’entreprise dans le marché intérieur;

 

e)    la finalité de la subvention étrangère, les conditions qui y sont liées et l’utilisation qui en est faite dans le marché intérieur.

Des exceptions sont prévues, par exemple pour les subventions étrangères ne dépassant pas certains montants ou visant à remédier aux dommages causés par des catastrophes naturelles.

 

3.   Régime

Le Règlement met en place un triple dispositif :

 

  • Mise en balance par la Commission ;

  • Un pouvoir de contrôle d’office (ex officio) pour la Commission européenne ;

  • Des possibilités de contrôle préalable et de des obligations de notification de certaines opérations.

3.1.       La mise en balance par la Commission (article 6 du Règlement)

La Commission peut, sur la base d’informations reçues, mettre en balance les effets négatifs et positifs d’un subvention sur le développement de l’activité économique subventionnée concernée dans le marché intérieur, tout en tenant compte d’autres effets positifs de la subvention étrangère, tels que les effets positifs plus larges concernant les objectifs stratégiques pertinents, en particulier ceux de l’Union.

 

Sur base de cette analyse, la Commission peut décider d’imposer des mesures réparatrices ou d’acceptes des engagements (cf. article 7 du Règlement).

3.2.       Le pouvoir de contrôle d’office (article 9 du Règlement)

La Commission peut décider, de sa propre initiative, décider d’examiner des informations, quelle qu’en soit le source, concernant de présumées subventions étrangères faussant le marché intérieur.

Ce pouvoir est redoutable dans la mesure où la Commission dispose, tout au long d’une procédure bien définie, d’une panoplie de moyens d’investigation pour examiner sous toutes les coutures des opérations ayant déjà eu lieu et ne tombant pas dans le champ d’application des obligations de notification et, le cas échéant, imposer des sanctions (articles 10 à 18 du Règlement).

3.3.       Les pouvoirs de contrôle et obligations de notification en matière de « concentrations » et de « procédures de marchés publics ou de concessions »

 

Au sens du Règlement, on entend par « concentrations » les changements de contrôle durables résultant de fusions, d’acquisitions conjointes ou individuelles ou de la création d'entreprises communes de plein exercice lorsque :

 

  • la cible/l'entreprise commune (ou l'une de ses filiales) est établie dans l'UE et a réalisé au cours du dernier exercice un chiffre d'affaires total dans l'UE d'au moins 500 millions d'euros ; et

  • les entreprises (c'est-à-dire les groupes de sociétés) impliquées dans la concentration ont reçu de pays tiers des contributions financières cumulées supérieures à 50 millions d'euros au cours des trois exercices précédant la conclusion de l'accord.

 

L’article 21 du Règlement prévoit que les « concentrations » tombant dans le champ de cette définition doivent être notifiées à la Commission entre le signing et le closing.

 

Les parties sont alors soumises à une obligation de standstill dans l’attente du feu vert de la Commission.

 

Des amendes et des astreintes sont prévues en cas de non-respect des règles.

 

Nous n’entrons ici pas dans les détails du mécanisme applicable aux marchés publics ou de concession et nous permettons de renvoyer aux articles 27 à 33 du Règlement.

 

4.   Conséquences à attendre

 

De la même manière que le régime de contrôle des IDE, le régime des subventions étrangères faussant le marché intérieur ajoute une case à cocher sur la checklist des praticiens M&A. Il s’agit de vérifier, entre le signing et le closing de la transaction, si celle-ci tombe dans le champ d’application du Règlement et, le cas échéant, de procéder aux notifications requises.

 

Le timing de la transaction en sera évidemment impacté, compte tenu des délais repris dans le Règlement (article 24) et de l’obligation de standstill qui existe avant que la transaction ne reçoive le feu vert.

 

La hauteur des seuils concernant les obligations de notification pourrait évidemment conduire à relativiser grandement l’impact potentiel du Règlement. Il ne faut toutefois certainement pas négliger le pouvoir de contrôle d’office octroyé à la Commission européenne, qui dispose là d’un instrument redoutable qui lui permet potentiellement d’investiguer de nombreuses opérations qui échapperont aux obligations de notification : nul n’est donc tout à fait à l’abri.

 

On ne peut dès lors que conseiller aux acteurs qui envisagent de procéder à un des types d’opérations visés par le Règlement, de vérifier en temps et en heure l’applicabilité potentielle du régime des subventions étrangers faussant le marché intérieur.

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