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La Cour d'appel de Bruxelles condamne la Belgique à adopter une politique climatique plus stricte

Droit de l’environnement

Le 30 novembre 2023, neuf ans après que l’ASBL Klimaatzaak avait mis en demeure les gouvernements belges pour leurs politiques climatiques prétendument négligentes, la Cour d'appel de Bruxelles a rendu un arrêt dans le procès climat belge. Dans cet arrêt, elle a sommé l’Etat belge, la Flandre et Bruxelles d'adopter une politique climatique plus ambitieuse qu'ils ne l'ont déjà fait. Plus précisément, la Belgique doit réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030 par rapport à 1990. Ce faisant, la Cour d'appel impose des objectifs de réduction encore plus élevés que ceux exigés par l'Europe.

01 décembre 2023


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Le procès Climat

Fin 2014, l’ASBL Klimaatzaak a mise en demeure l'État belge et les trois régions, leur demandant de respecter leurs obligations de réduire les émissions de gaz à effet de serre de la Belgique de 40 % d'ici 2020 par rapport à 1990. Après qu'un consensus avec les ministres concernés avait paru impossible, Klimaatzaak a assigné les quatre autorités belges en justice le 27 avril 2015. 

Le 17 juin 2021, les autorités belges ont été condamnées par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles mais ce dernier n'a pas imposé d'objectifs de réduction à l'époque. Klimaatzaak a donc décidé de faire appel. La Cour d'appel de Bruxelles lui donne désormais raison.

Appréciation de la Cour d'appel

La Cour d'appel de Bruxelles juge que l'État belge, la Région flamande et la Région de Bruxelles-Capitale ont violé les articles 2 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH) et les articles 1382 et 1383 de l'ancien Code civil par le manque d'ambition et de résultats des politiques climatiques qu'ils ont mises en œuvre entre 2013 et 2020.

De plus, la Cour constate que cette violation se poursuit jusqu'à aujourd'hui, les trois gouvernements n'ayant toujours pas démontré qu'ils ont pris des mesures appropriées et raisonnables pour permettre à la Belgique de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d'ici 2030.

La Cour d'appel n'impose pas d'objectifs spécifiques aux différents gouvernements. Le niveau fédéral, la Flandre et Bruxelles devront répartir les tâches pour atteindre conjointement l'objectif de réduction de 55 % "dans les limites de leurs compétences respectives". Si l'objectif de réduction s'applique à l'ensemble de la Belgique, la Wallonie n'est pas tenue de faire des efforts supplémentaires pour l'atteindre. La Cour d'appel a en effet estimé que la Région wallonne avait accompli des progrès suffisants. Elle s’oppose ainsi au jugement de première instance, qui avait condamné la Région wallonne avec les autres gouvernements.

Si l'une des parties condamnées ne se conforme pas à cet arrêt, des astreintes pourront être imposées, mais la Cour d'appel de Bruxelles ne s'est pas encore (pour l'instant) prononcée à ce sujet. Quand les chiffres d'émissions de 2022 à 2024 seront disponibles et qu'il s'avère que la politique climatique fédérale, flamande ou bruxelloise n'est toujours pas conforme, une astreinte pourrait donc être imposée.

Quel est l'impact de cette arrêt ?

L'importance de l’arrêt est plus que symbolique. Le fait que les autorités belges soient désormais tenues d'agir et d'adopter des mesures plus strictes devrait se traduire par des politiques climatiques plus strictes et donc par des normes plus strictes pour l'industrie, les transports et la circulation, ... En outre, l'arrêt a valeur de précédent pour des plaintes similaires contre d'autres gouvernements belges ou ailleurs en Europe.

L'arrêt va très loin, en ce sens que la Cour d'appel de Bruxelles exige cette réduction d'émissions de 55 % pour l'ensemble de la Belgique, y compris le marché européen du carbone SEQE, alors que l'Europe demande (seulement) une réduction de 47 % par rapport à 2005 (lorsque les émissions étaient à peu près les mêmes qu'en 1990) et prévoit une exception pour les secteurs importants ayant un impact majeur sur le climat, tels que la production d'électricité et l'industrie lourde (secteur SEQE). La Cour d'appel, elle, exige cette réduction de 55 % des émissions pour l'ensemble de notre pays, y compris le secteur SEQE.

En outre, on peut s'interroger sur la compatibilité de l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles et de l'injonction qu'il impose aux autorités belges avec le principe de la séparation des pouvoirs. En tout état de cause, cet arrêt confirme que la justice de notre pays n'hésite pas à prendre à partie les décideurs politiques lorsqu'il s'agit de politiques climatiques et environnementales. Dans le jugement du 21 juin 2023, le président du tribunal de première instance de Bruxelles condamne encore la Région flamande pour non-respect de la directive européenne sur les nitrates.

Le ministre flamand de l'environnement, Zuhal Demir, a annoncé d’ores et déjà qu’elle contesterait l'arrêt de la Cour d'appel de Bruxelles devant la Cour de cassation.

Pour toute question, veuillez contacter Kristof Hectors, Roel Meeus, Charles Poncelet et Céline Bimbenet de l'équipe Droit de l'environnement de Schoups.

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