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Licenciement de travailleurs contractuels dans le secteur public : la plus grande prudence s’impose

Personnel de l’administration publique

Si vous êtes un employeur public et que vous envisagez de licencier des travailleurs contractuels, la plus grande vigilance s’impose. La loi du 13 mars 2024 sur la motivation des licenciements et des licenciements manifestement déraisonnables des travailleurs contractuels du secteur public entre en vigueur le 1er mai 2024.

12 avril 2024


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1.   Avant-propos

 

Pour l’ensemble du secteur privé, la CCT n° 109 offre une réglementation claire en matière de motivation du licenciement, d’une part, et de licenciement manifestement déraisonnable, d’autre part. Pour le personnel contractuel du secteur public, il n’existait aucune réglementation de ce type.

 

Dans son arrêt du 30 juin 2016, la Cour constitutionnelle s’est prononcée sur la réglementation relative au licenciement manifestement déraisonnable dans le secteur public, compte tenu de l’absence de réglementation légale claire à cet égard. La Cour constitutionnelle a ensuite déclaré que, dans l’attente d’une intervention du législateur, il appartenait aux juridictions, en application du droit commun des obligations, de garantir sans discrimination les droits de tous les travailleurs du secteur public en cas de licenciement manifestement déraisonnable, en s’inspirant, le cas échéant, de la CCT n° 109.

 

L’introduction des nouvelles règles actuelles pour les travailleurs contractuels a tout son sens, car elle apporte enfin plus de clarté et donc de sécurité juridique. Le contenu de la nouvelle loi est à certains égards identique au texte de la CCT n° 109, mais comporte également de nombreuses différences.

 

2.   Champ d’application

Les nouvelles règles s’appliquent aux travailleurs titulaires d’un contrat de travail dont l’employeur ne relève pas du champ d’application de la « loi sur les CCT  » (c’est-à-dire la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires). Pour simplifier, il s’agit de la quasi-totalité des employeurs / pouvoirs publics, sous réserve de quelques exceptions.

 

Concrètement, les nouvelles règles trouvent à s’appliquer en cas de licenciement d’un travailleur contractuel. La nouvelle loi prévoit toutefois de nombreuses exceptions, similaires à celles de la CCT n° 109. C’est ainsi que les nouvelles règles ne sont pas applicables en cas de licenciement pour motif grave, en cas de licenciement au cours des 6 premiers mois d’occupation et en cas d’extinction d’un contrat de travail à durée indéterminée à partir du premier jour du mois suivant celui au cours duquel le travailleur a atteint l’âge légal de la retraite.

 

Ceci étant dit, même dans les situations où les nouvelles règles ne trouvent pas à s’appliquer formellement en vertu de la loi, nous vous conseillons néanmoins vivement de vous y conformer au maximum dans la mesure du possible.

 

Selon leur texte explicite, les nouvelles règles ne s’appliquent pas aux travailleurs contractuels du secteur public qui sont licenciés pour motif grave. La jurisprudence de la Cour constitutionnelle et les principes de bonne administration montrent cependant que ces travailleurs contractuels ont le droit, tout comme les fonctionnaires statutaires, d’être entendus avant d’être licenciés pour motif grave.

 

Les nouvelles règles portent d’une part sur l’obligation d’entendre le travailleur concerné et son corollaire, la motivation du licenciement ultérieur éventuel, et d’autre part sur le licenciement manifestement déraisonnable.

3.   Obligation d’audition et motivation du licenciement

L’employeur public qui envisage de licencier des travailleurs contractuels en raison de leur comportement ou de leur aptitude est soumis à une obligation d’audition. Il est alors dans l’obligation d’entendre préalablement les travailleurs concernés. Pour pouvoir entendre utilement les travailleurs, l’employeur est tenu de les informer au préalable des faits et des motifs de la décision de licenciement envisagée et de leur donner suffisamment de temps pour se préparer à l’audition ou présenter leurs observations par écrit.

 

Avant l’entrée en vigueur des nouvelles règles, l’obligation d’audition était également déjà appliquée par certains juges dans la relation entre les travailleurs contractuels et le pouvoir public qui les occupait. Elle est désormais consacrée par la loi. C’est ainsi que la Cour constitutionnelle s’était déjà prononcée en faveur de l’application de l’obligation d’audition, mais uniquement en tant que principe de bonne administration.

 

Si un licenciement effectif intervient ensuite, les règles relatives à la motivation du licenciement doivent impérativement être respectées. Concrètement, cela signifie que la notification du licenciement doit être faite par écrit ET spécifier les raisons concrètes du licenciement.

 

L’employeur qui ne respecte pas une des deux ou les deux obligations susmentionnées est tenu de payer (pour chaque infraction) une indemnité de deux semaines de rémunération. La notification du licenciement proprement dite reste toutefois valable.

 

Notons une différence majeure avec la réglementation en vigueur dans le secteur privé : dans le secteur privé, l’employeur n’a pas l’obligation de communiquer lui-même spontanément les motifs du licenciement. L’employeur n’y est tenu qu’après une demande valable en ce sens du travailleur concerné.

 

 

4.   Licenciement manifestement déraisonnable

Comme c’est le cas dans le secteur privé, un travailleur contractuel peut dorénavant invoquer un licenciement manifestement déraisonnable et réclamer à ce titre une indemnité. La définition de la notion de « licenciement manifestement déraisonnable » de la nouvelle loi est exactement la même que celle de la CCT n° 109 : « un licenciement manifestement déraisonnable est le licenciement d’un travailleur engagé pour une durée indéterminée, qui se base sur des motifs qui n’ont aucun lien avec l’aptitude ou la conduite du travailleur ou qui ne sont pas fondés sur les nécessités du fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service, et qui n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable ».

 

Le travailleur contractuel qui invoque un tel licenciement manifestement déraisonnable est normalement tenu d’apporter lui-même la preuve de ses allégations, ce qui se révèle souvent extrêmement difficile dans la pratique. La nouvelle loi prévoit toutefois un possible renversement de la charge de la preuve. L’employeur public qui n’a pas respecté son obligation de motiver le licenciement voit la charge de la preuve s’inverser. Dans ce dernier cas, c’est donc à l’employeur qu’il incombe de fournir des éléments de preuve démontrant que le licenciement n’est pas manifestement déraisonnable.

 

Dorénavant, une fois encore comme dans le secteur privé, si le tribunal estime que le licenciement est manifestement déraisonnable, l’employeur est tenu de verser une indemnisation dont le montant peut aller d’un minimum de 3 à un maximum de 17 semaines de rémunération. Cette indemnisation n’est pas cumulable avec certaines autres indemnités énumérées par la loi, mais peut être cumulée avec d’autres. C’est ainsi qu’elle peut être cumulée avec l’indemnité de préavis et la ou les indemnités dues en raison de la violation de l’obligation d’audition et/ou des règles relatives à la motivation du licenciement (cf. supra partie 3).

 

5.   Conseils pratiques

 

Concrètement, en tant qu’employeur public, vous êtes tenu, à partir du 1er mai 2024, de vous conformer aux nouvelles règles si vous souhaitez (le cas échéant bien entendu) licencier des travailleurs contractuels. Il sera bien sûr aussi judicieux d’examiner vos procédures de licenciement internes et de les adapter, au besoin, afin de les mettre en conformité avec les nouvelles règles.

 

Pour toutes vos questions concernant la thématique du présent article, n’hésitez pas à contacter notre nouvelle Cellule Personnel du secteur public.

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