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Le CSA a quatre ans – La SRL, un filet de sécurité pour les SCRL : fermer les yeux et sauter ?

Droit des sociétés

Le nouveau Code des sociétés et des associations entrait en vigueur il y a un peu plus de quatre ans, le 1er mai 2019. Après quatre années de pratique, l’une des principales échéances du régime transitoire se profile à l’horizon. Si le 1er janvier 2020 marquait déjà l’entrée en vigueur « matérielle » pour les sociétés de l’ancien droit, le 1er janvier 2024 est l’échéance fixée pour l’entrée en vigueur « formelle ». Il s’agit également de la date d’expiration des « fausses SCRL » constituées en vertu de l’ancien Code des sociétés.

16 juillet 2023


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La société coopérative, de l’ancien au nouveau régime

La société coopérative (à responsabilité limitée), ou SC(RL) de l’ancien Code des sociétés était une forme juridique extrêmement peu exigeante. Le code définissait la société coopérative comme « celle qui se compose d’associés dont le nombre ou les apports sont variables ». Le lien avec l’idéal coopératif était ténu dans cette définition et la popularité de cette forme juridique découlait principalement de la flexibilité offerte par le législateur : l’organe de gestion pouvait facilement émettre des parts à de nouveaux actionnaires ; à l’inverse, les actionnaires pouvaient facilement se retirer moyennant un paiement par la société coopérative ; les règles de gouvernance pouvaient être interprétées relativement librement, etc.

Cette forme juridique était donc très populaire, par exemple, auprès des sociétés professionnelles de professions libérales (architectes, avocats, notaires, etc.). Le législateur a par conséquent déjà effectué une distinction en faisant agréer certaines coopératives par le Conseil national de la coopération (CNC). Cet agrément était subordonné à certaines conditions (liberté d’adhésion, actionnariat démocratique, etc.), et  imposait d’être membre de l’assemblée générale du CNC.

La définition de la société coopérative dans le nouveau Code des sociétés et des associations (« CSA ») est bien plus restrictive. Le CSA qualifie la SC sur la base de son objet et requiert en tant que :

« but principal la satisfaction des besoins et/ou le développement des activités économiques et/ou sociales de ses actionnaires ou bien de tiers intéressés notamment par la conclusion d’accords avec ceux-ci en vue de la fourniture de biens ou de services ou de l’exécution de travaux dans le cadre de l’activité que la société coopérative exerce ou fait exercer.. (…) »

Selon certains auteurs, il s’agit d’une définition large à laquelle répondent même de nombreuses sociétés professionnelles. Le législateur a pourtant voulu exclure explicitement ces sociétés professionnelles et a même fait référence, dans les travaux parlementaires, aux principes de l’ICA (définis au niveau international) qui devraient être respectés pour qu’il puisse être question d’une société coopérative.

Que va-t-il advenir des SCRL existantes ?

En termes de droit transitoire, cela conduit à un groupe relativement important de SCRL qui – du moins selon la définition restrictive – ne peuvent plus être qualifiées de SC en vertu du nouveau droit des sociétés. Malgré une définition assez vague, les implications pour les SCRL sont très binaires. Ici, les sociétés concernées devront donc (ou auraient dû) faire un choix :

  • Si la société répond à la nouvelle définition de la SC, elle devait être identifiée dans le système juridique en tant que SC depuis le 1er janvier 2020. Il lui suffit alors simplement de mettre les statuts en conformité avec le CSA, et ce, au plus tard pour le 1er janvier 2024.

  • Si la société n’y répond pas, elle sera convertie de plein droit en société à responsabilité limitée le 1er janvier 2024. Jusqu’à cette date, la société pourra continuer de fonctionner dans le système juridique en tant que « SCRL » selon l’ancienne loi. Dans les six mois qui suivent la conversion du 1er janvier 2024, les statuts devront être mis en conformité avec la nouvelle législation.

L’enjeu de ces différences ne doit pas non plus être sous-estimé : la SC qui ne répond pas à la définition légale (ouverte à l’interprétation) peut être dissoute par le tribunal de l’entreprise.

Admission et démission

Le choix de la SRL en tant que nouvelle forme juridique coule de source. Le législateur a prévu une grande flexibilité juridique pour la SRL. Il est par exemple possible de démissionner à charge du patrimoine social, d’organiser des droits de vote multiples, etc. Mais la SRL est-elle vraiment aussi bien équipée pour héberger des SCRL qui ne répondent pas à la définition d’une « véritable » SC ? Deux différences entre la SRL et la SC, qui touchent aux fondements de l’ancienne SCRL, sont à souligner :

  • La souplesse de la possibilité d’admission qui existait dans la SCRL est un premier point de divergence. L’organe de gestion de la société pouvait très facilement décider d’émettre des parts supplémentaires. Contrairement à la SC, la SRL ne dispose pas de cette possibilité d’« admission ».  

    En lieu et place, le législateur prévoit la possibilité d’une délégation dans les statuts à l’organe de gestion afin de procéder à l’émission de nouvelles actions. Cette délégation est fondée sur les règles relatives au « capital autorisé » dans la SA. Par conséquent, la délégation doit figurer dans les statuts, être renouvelée tous les cinq ans et être chaque fois accompagnée d’une explication des circonstances particulières dans lesquelles elle peut être utilisée dans un rapport de l’organe de gestion à l’assemblée générale.

    L’utilisation de la délégation pour accueillir de nouveaux actionnaires nécessite donc que tous les actionnaires existants renoncent à leur droit de préférence.

    Des formalités supplémentaires doivent également être accomplies à la suite de l’émission effective par l’organe de gestion. L’émission de nouvelles actions dans la SRL requiert par exemple toujours une modification des statuts. Toutes ces formalités rendent les conditions d’admission dans la SRL plus strictes que dans la SC.

  • Une deuxième différence réside dans la possibilité pour les actionnaires de démissionner à charge du patrimoine social. Les actionnaires de l’ancienne SCRL pouvaient ainsi mettre fin à leur qualité d’associé moyennant le paiement d’une part de retrait par la société. Le paiement d’une telle part de retrait est tout d’abord soumis – comme c’est le cas dans une SC – à ce que l’on appelle le « double test de distribution ».

    Depuis le CSA, les actionnaires d’une SRL peuvent également démissionner à charge du patrimoine social, si les statuts prévoient cette possibilité. La loi prévoit ici tout un arsenal de règles par défaut auxquelles il est généralement possible de déroger dans les statuts. Certaines formalités impératives trouvent toutefois ici aussi à s’appliquer. Par exemple, la SRL doit tenir les statuts à jour, tant pour les actionnaires que pour les tiers. Ce qui signifie qu’avant la fin de chaque exercice, les démissions et les modifications des statuts qui en découlent doivent être constatées par acte authentique dressé par un notaire. Voilà qui engendre des coûts plus élevés, un délai plus long, moins de flexibilité et d’ouverture.

Nomen est omen ?

Ajoutées aux formalités assouplies d’organisation des assemblées générales, ces différences rendent la SRL malgré tout toujours un peu moins adaptée aux SCRL qui comptent un nombre important d’actionnaires qui doivent pouvoir adhérer et démissionner aisément. De nombreux administrateurs de SCRL se posent par conséquent (trop tard) la question de savoir s’ils répondent à la nouvelle définition de la SC. Bon nombre d’anciennes SCRL ont dans l’intervalle déjà répondu elles-mêmes à cette question en s’identifiant elles-mêmes ces dernières années en tant que « véritable » SC  (qui devrait rester une SC) ou en tant que « fausse » SCRL (qui devrait logiquement devenir une SRL).

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