sr.search

Le nouveau droit en matière d'insolvabilité III - l'ancienne loi sur les faillites révisée

Droit des entreprises

27 septembre 2017


Contact

Dans nos bulletins d'information précédents concernant le nouveau droit en matière d'insolvabilité, nous avons examiné le champ d'application élargi puis les modifications principales au niveau de la réorganisation judiciaire

Ce troisième bulletin traitera de la réforme du droit des faillites, ainsi que de l'instauration d'un ensemble cohérent de règles concernant la responsabilité des administrateurs dans le droit en matière d'insolvabilité. Entretemps, le 7 septembre, la loi du 11 août portant insertion du Livre XX « Insolvabilité des entreprises » dans le Code de droit économique est parue au Moniteur Belge. Cela représente un pas de plus vers l'instauration d’un nouveau droit en matière d'insolvabilité. La date d'entrée en vigueur reste fixée au 1er mai 2018 (au plus tard).  

Au cours de l'examen des nouvelles règles sur la faillite, l’une des principales lignes directrices de toute la réforme se distingue immédiatement : le choix du législateur d’opter pour une procédure entièrement électronique.  Ainsi, le débiteur devra désormais faire sa déclaration de faillite dans le registre par voie électronique. La forme que cette déclaration devra prendre doit toutefois encore être précisée par arrêté royal. Le débiteur doit joindre son bilan comptable à sa déclaration et faire savoir à quel endroit se trouve sa comptabilité. Les créanciers étaient déjà tenus de soumettre leurs déclarations de créance par voie électronique. Ainsi, pour toute faillite, un dossier électronique de la faillite est constitué, dans lequel toutes les pièces sont conservées. 

Le droit des faillites dans sa version révisée reste essentiellement le même. En règle générale, les modifications à venir apportent principalement des précisions aux principes actuels. Nous vous dressons ci-après un inventaire des modifications les plus pertinentes.  

Désormais, les biens que le failli acquiert pendant la faillite ne feront plus partie de la masse. Cela pourrait, par exemple, être constitué de dons ou de revenus provenant de prestations de travail rendues après l'ouverture de la faillite.  Une exception est prévue pour les biens acquis par le failli sur base d'une cause précédent la faillite. Ces biens seront quant à eux effectivement considérés comme actifs de la masse. Cette modification est conforme à l'objectif du législateur visant à stimuler la seconde chance d'entreprendre (« fresh start »). La restriction de la composition de la masse devrait permettre aux entrepreneurs de prendre un nouveau départ plus facilement. Certes, ceci limite (plus) le gage des créanciers n’étant pas impliqués dans un processus de relance de leur activité.   

La stipulation, gérant le sort des saisies déjà exécutées à la date de la faillite à l'encontre du failli, est plus détaillée, prévoyant entre autres une réglementation distincte pour les biens mobiliers et immobiliers. Dans ce cadre, les règles en rapport avec la vente par le curateur des biens immobiliers du failli sont également uniformisées, quelle que soit la nature de la créance. Une exception est uniquement prévue pour le créancier hypothécaire premier inscrit. 

Un nouveau critère est en outre prévu pour fixer les honoraires du curateur. Actuellement, les honoraires consistent en une indemnité proportionnelle calculée par tranche d'actifs réalisés. Désormais, l'idée est de déterminer les honoraires en fonction de l'importance et de la complexité de la mission, du temps investi et, le cas échéant, des actifs réalisés. Les détails concrets seront fixés par un arrêté royal. En ce qui concerne les pouvoirs du curateur en rapport avec la gestion de la faillite, il est clairement stipulé que celui-ci peut mettre fin à des contrats en cours, si la gestion de la masse le requiert nécessairement. Toutefois, le curateur ne peut pas mettre fin aux droits réels conférés à un tiers par le failli (par ex. le droit de superficie). Sur ce dernier point, le législateur va à l'encontre de la jurisprudence de la Cour de Ccassation qui semblait rendre possible la cessation des droits réels, contrairement à l'opinion majoritaire jusqu’ici admise. Le montant à concurrence duquel le curateur peut transiger une transaction, sans que l'homologation par tribunal ne soit nécessaire, se voit ensuite augmenté de 12.500,00 EUR à 50.000,00 EUR. L'autorisation du juge-commissaire reste toutefois nécessaire. 

Le système de l'excusabilité d'un failli étant une personne naturelle est remplacé par un système d'effacement des dettes. (Uniquement) à sa demande, le failli pourra désormais obtenir l'effacement du solde de ses dettes, sans préjudice des sûretés réelles données par lui. A cet effet, le débiteur peut déposer une requête lors de sa déclaration de faillite ou au plus tard trois mois après le prononcé de la faillite. Le tribunal ne doit plus attendre la clôture de la faillite pour se prononcer sur la demande d'effacement de la dette.  L'objectif de l'introduction de l'effacement des dettes est également de stimuler la seconde chance d'entreprendre. D'un autre côté, la remise de la dette (excusabilité) n'est plus un automatisme.

L'effacement des dettes s'étend également aux dettes du failli dont le conjoint, l'ex-conjoint, le cohabitant légal ou l'ex-cohabitant légal qui se sont personnellement coobligés durant le mariage ou la cohabitation légale, sauf s'il s'agit de dettes personnelles ou communes nées de contrats conclus par ces personnes et qui sont étrangers à l'activité professionnelle du failli. Cependant, l'effacement des dettes n'a pas de conséquences pour les codébiteurs ni pour les constituants de sûretés personnelles (les gages, par exemple). La procédure est, quant à elle, simplifiée pour la personne physique qui s'est constituée sûreté personnelle à titre gratuit, afin d'être délivrée entièrement ou partiellement de son obligation. A cette fin, elle peut introduire une requête, démontrant que le montant de la sûreté est manifestement disproportionné par rapport à ses facultés de remboursement de la dette. 

De plus, un Titre VII individuel du livre XX du Code de droit économique est consacré aux procédures d'insolvabilité transfrontalières. De nombreuses mesures d'application sont prévues en vue de faciliter l'application du Règlement européen relatif aux procédures d'insolvabilité 2015/848 dans l'ordre juridique belge. Ainsi, l'ouverture d'une procédure d'insolvabilité dans un autre Etat membre à l'égard d'un débiteur possédant un établissement en Belgique, doit être publiée au Moniteur belge. Ensuite, plusieurs nouvelles dispositions sont introduites concernant les procédures transfrontalières qui ne sont pas régies par le Règlement européen relatif aux procédures d'insolvabilité (à savoir lorsque le centre des intérêts principaux du débiteur se situe en dehors de l'UE). Ces dispositions complètent les actuels articles 116 jusqu'à 121 du CDIP. Le principe est d’harmoniser le plus possible ces dispositions aux règles prévues pour les procédures d'insolvabilité européennes, puisque la pratique a intérêt à des solutions uniformes.  

Pour terminer, le nouveau droit en matière d'insolvabilité comprendra un ensemble cohérent de règles concernant la responsabilité des dirigeants en cas de faillite. Dans cette perspective,  les dispositions pertinentes du droit des sociétés (art. 530 C. soc.) sont transférées vers le droit en matière d'insolvabilité. Ces dispositions s'appliquent à toutes les entreprises qui relèvent du champ d'application du livre XX CDE, à l'exception des personnes physiques exerçant à titre indépendant une activité professionnelle. Le tribunal de l'insolvabilité est seul compétent pour se prononcer quant à ce sujet. Les actions en responsabilité suivantes peuvent être introduites: 

  • Premièrement, les dirigeants peuvent être déclarés personnellement et solidairement ou non responsables pour la totalité ou une partie des dettes de l'entreprise à l'égard du déficit, s'il est établi qu'ils ont commis une erreur grave manifeste ayant contribué à la faillite. Cette action peut être introduite tant par le curateur que par toute créancier lésée, même si ce dernier ne peut introduire l'action que si le curateur ne l'introduit pas lui-même dans un délai d’un mois après avoir été sommé de le faire par le créancier. Les frais du créancier pour mener une telle procédure sont considérés comme dettes de la masse. Par conséquent, ces frais seront prélevés sur le remboursement établi par le tribunal et divisé entre les créanciers.  Cette action en responsabilité ne s'applique pas au « petites » entreprises ayant un chiffre d'affaires moyen annuel inférieur à 620.000,00 EUR, ni aux ASBL, AISBL ou aux fondations.   
  • Ensuite, la règle objective de responsabilité prévue dans l'art. 530 C.soc. relative aux cotisations sociales impayées est à présent reprise.  Sur cette base, les dirigeants peuvent être tenus comme personnellement et solidairement responsables pour les cotisations sociales impayées si, au cours de la période de cinq ans qui précède la faillite, ils ont été impliqués dans au moins deux faillites ou liquidations à l'occasion desquelles des dettes de sécurité sociale n'ont pas été honorées.   
  • Pour finir, les dirigeants seront désormais responsables en cas de poursuite d'une entreprise irrémédiablement perdue. Cette nouvelle disposition confère un ancrage légal à la théorie du « wrongful trading », développée ces dernières années dans la jurisprudence et la doctrine. L'introduction de cette action relève de la compétence exclusive du curateur. Pour réussir l'action, il faut démontrer qu'antérieurement à la faillite, l'administrateur savait ou devait savoir qu'il n'y avait manifestement pas de perspectives raisonnables pour préserver l'entreprise ou ses activités et d'éviter ainsi une faillite, et qu'à partir de ce moment-là, il n'a pas agi comme l'aurait fait un administrateur normalement prudent et diligent placé dans les mêmes circonstances.

Pour plus d'informations concernant ce sujet, vous pouvez consulter Joost Bats et Dave Mertens (auteurs).

Corporate Social Responsibility

Lire plus

Vacatures

  • Avocats 11
  • Staff
Lire plus