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Le nouveau droit en matière d'insolvabilité II - la réorganisation judiciaire réorganisée

Droit des entreprises

11 septembre 2017


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Dans ce deuxième bulletin d'information concernant le nouveau droit en matière d'insolvabilité, nous examinerons de manière plus approfondie les modifications principales au niveau de la réorganisation judiciaire. Outre la procédure formelle de réorganisation judiciaire même (voir ci-dessous), les mesures préventives pouvant être prises préalablement à l'ouverture d'une telle procédure sont également modifiées. 

Ainsi, l'éventail de mesures provisoires, auparavant disséminées à travers tout le droit d'insolvabilité, est maintenant limité et regroupé sous le Titre III du Livre XX. Dans ce livre, les trois mesures provisoires suivantes offrant la possibilité de limiter les pouvoirs du débiteur sont prévues. Premièrement, la désignation d’un mandataire de justice, et ce sans aucune procédure d'insolvabilité. Ensuite, la deuxième mesure concerne la désignation d'un administrateur provisoire pendant la réorganisation judiciaire, qui remplace l'administration du débiteur. Enfin, lorsqu'il existe des indices graves attestant que les conditions d’une faillite sont réunies, la gestion de toutes les activités peut être retirée de l'entreprise.  

La modification de loin la plus notoire, à savoir la faillite silencieuse (également appelée « pre-pack »), n'a finalement pas été adoptée. Cette mesure aurait permis de préparer sa faillite en toute discrétion et de désigner un ou plusieurs précurateurs eux-mêmes désignés comme curateurs dans une faillite subséquente. L'idée était que les précurateurs auraient pu procéder d'une manière discrète à la recherche d'un repreneur intéressé afin de préparer une reprise de l’entreprise après la faillite. L'avantage d'une telle procédure de faillite silencieuse était d’éviter l’effondrement de la valeur d'exploitation de l'entreprise. En effet, l'entreprise ne souffrirait pas, dans ce cas, d’une atteinte à sa réputation liée à la publicité d'une faillite normale. 

Cependant, la faillite silencieuse a été critiquée de plusieurs côtés. La crainte existait que ce système permette des abus. De plus, dans une affaire néerlandaise, la Cour européenne de justice a rendu le 22 juin 2017 un arrêt remettant en cause la faillite silencieuse, en jugeant que la protection légale des travailleurs lors du transfert de l'entreprise s'applique également lors du transfert d'exploitation dans le cadre d'une faillite silencieuse. De ce fait, le législateur belge était tenu de retirer (pour le moment) l'introduction de la faillite silencieuse dans son droit. 

Une autre mesure préventive concerne l'accord amiable hors procédure. Dans ce cas, le débiteur tente, sans recourir aux tribunaux, de parvenir à un accord avec au moins deux de ses créanciers afin de réorganiser ses activités. La nouvelle loi rend l'accord amiable hors procédure plus attrayant. Premièrement, la stabilité d'un accord amiable est renforcée contre une éventuelle faillite subséquente. La règle selon laquelle les nouvelles sûretés fournies pendant la période suspecte pour les dettes existantes sont inopposables à la masse faillite, ne s'applique pas aux sûretés dans le cadre d'un accord amiable. De plus, sur demande des parties, le tribunal peut homologuer et conférer un caractère exécutoire à l'accord amiable.  Parallèlement, plusieurs garanties supplémentaires ont été incorporées afin d'éviter la fraude. Ainsi, l'accord amiable doit faire mention explicite de la réorganisation de l'entreprise comme objectif, et comporter une clause expresse de confidentialité et d'indivisibilité. Cela permet d'éviter la pratique de « picorage ».  

Concernant la procédure formelle de réorganisation judiciaire, il n'y a pas de modifications substantielles. Le débiteur pourra toujours choisir entre trois formes de réorganisation: la réorganisation judiciaire par un accord (judiciaire) amiable, la réorganisation judiciaire par un accord collectif et la réorganisation judiciaire par le transfert sous autorité de justice. 

Les modifications concernent principalement l'introduction de la procédure électronique, des précisions concernant les règles déjà existantes ainsi que la codification de la jurisprudence. 

Ainsi, la règle actuelle, selon laquelle aucune réalisation de biens du débiteur ne pourra intervenir à partir de l'introduction de la demande de réorganisation judiciaire, est maintenue.  Cependant, une exception est introduite au cas où une procédure de saisie a été entamée préalablement et lorsque cette procédure se trouve déjà à un stade avancé. Cette exception a été ajoutée pour écarter le risque d'abus. 

Il en est de même pour les conséquences de l'ouverture de la procédure. Les principes concernant la protection du débiteur restent les mêmes. La possibilité d’établir de nouvelles sûretés pendant le sursis de paiement est ajoutée.  

Ensuite, il est frappant que le législateur ait explicitement stipulé dans l'article XX.58 que les dettes fiscales ou sociales sont considérées comme se rapportant à des prestations effectuées pendant la procédure de réorganisation.  Lors d'une faillite subséquente, le fisc et l'ONSS devront alors être considérés comme créanciers de la masse. Le législateur tranche ici une différence de point de vue entre la juridiction de la Cour de Cassation et celle de la Cour Constitutionnelle. 

Spécifiquement pour la procédure de l'accord collectif, le plan de réorganisation devra désormais attribuer, au titre de mesure réparatrice, au moins 20 % (au lieu de 15 %) de la créance au créancier. De plus, il est maintenant clair que ce pourcentage doit être basé sur le montant principal (sans intérêts et clauses pénales). Jusque là, ce dernier point n'était pas clair. Une modification plutôt pratique consiste dans le fait que désormais, les avocats peuvent prendre part au vote sur le plan de réorganisation sans qu'ils ne disposent toutefois d'une procuration spéciale de leurs clients créanciers. 

Pour finir, concernant le transfert d'entreprise sous autorité judiciaire, la possibilité est prévue pour le candidat reprenant de ne pas reprendre intuitu personae des accords sans que le cocontractant du créancier ne doive accorder son consentement. En effet, le transfert de contrats en cours sera souvent d'une importance essentielle pour la continuité de l'entreprise. En prévoyant un dispositif légal, le transfert sous autorité judiciaire devrait devenir plus attrayant. Il est également précisé comment le transfert d'entreprise devra être mis en œuvre et comment le produit du transfert devra être reparti entre les créanciers. 

Pour plus d'informations concernant ce sujet, veuillez consulter Joost Bats et Dave Mertens (auteurs)

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