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Discrimination en cas de réduction de capital dans une SPRL

Droit des entreprises

05 octobre 2015


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Le Président du Tribunal de commerce d’Anvers a soumis le 3 juin 2015 à la Cour constitutionnelle une question préjudicielle portant sur la compatibilité de l'article 317 du Code des Sociétés avec le principe constitutionnel d'égalité. Selon toute probabilité, la Cour devrait juger que cet article est effectivement contraire à la Constitution.

La question posée est en substance celle de la protection du capital social.

Le capital social est le gage des créanciers de la société. Les créanciers voient leur gage réduit lorsque la société annonce une réduction de son capital (à la suite d'une distribution aux associés). Pour ces créanciers, une réduction de capital peut donc être l'occasion de faire (enfin) payer toutes les créances exigibles.

Si un créancier dispose (également) d’une créance non exigible, il ne peut en demander le paiement. Pour ce créancier, il est vital d’agir vite. Premièrement, il devra demander à la société des garanties supplémentaires. Si la société ne veut pas lui en fournir, elle dispose d'une autre solution simple : procéder au paiement. Comme il s’agit de créances qui ne sont pas encore exigibles, un tel paiement interviendra après déduction d’un escompte. Dans certains cas toutefois, la société n’a pas les moyens de payer la créance.

Dans ce cas, le créancier doit saisir le Président du tribunal de commerce.

Il doit le faire dans un délai de deux mois à compter de l’annonce de la distribution. La procédure ainsi engagée a pour effet d’interdire à la société de procéder à la distribution tant que le ou les créanciers n’auront pas obtenu satisfaction.

Dans les faits, cette procédure est toutefois rarement mise en œuvre. Peu de créanciers suivent les évolutions du capital de leurs débiteurs dans le détail et ceux qui le font disposent généralement (par ailleurs) de sûretés suffisantes. Ce mécanisme de protection s’applique également en cas de fusion ou de scission d'une société. Les modalités de répartition du capital (et surtout du reste du patrimoine) social entre les sociétés ont en effet des conséquences relativement similaires pour les créanciers.

C’est dans ce contexte que la jurisprudence s’est prononcée (négativement) à plusieurs reprises. À chaque fois, les juges ont eu à faire à des créanciers qui étaient engagés dans d’autres procédures judiciaires avec leur débiteur (parfois à la suite précisément du fait que le créancier avait saisi l’occasion pour exiger le paiement).

La difficulté tenait au fait que ce type de procédures judiciaires donnait lieu à deux types de manœuvres portant atteinte aux droits du créancier. En effet, le débiteur (son avocat) profitait de l’occasion pour affirmer que la créance concernée « n’existait pas », ou qu’elle « n’était plus exigible de facto » et que si elle le redevenait un jour, « elle ne serait exigible in jure qu’à partir de l'introduction de la procédure ». Ces manœuvres aboutissaient toujours au même résultat : le juge décidait que le créancier ne pouvait exiger la constitution d'une sûreté. En dépit de l'existence de contre-arguments, les juges se prononçaient souvent en faveur du débiteur.

Le législateur est donc intervenu (de manière pas très heureuse, certes) à la fin de l’année 2013.

Indépendamment de la question de savoir si la créance existe ou est exigible, le législateur a créé une nouvelle catégorie de créanciers : les créanciers ayant « des créances faisant l'objet d'une réclamation introduite en justice ou par voie d'arbitrage ». Comme cela est souvent le cas lorsque le législateur intervient selon le principe de l’action-réaction, le texte de la loi laisse à désirer sur de nombreux points.

La loi modificative ne laisse pas seulement à désirer sur le plan de la formulation, elle présente également des lacunes. Concrètement, le Code des sociétés a été modifié pour les SA (article 613), mais aucune disposition similaire n’a été prévue pour les SPRL (article 314) et les SCRL (article 426). 

On subit aujourd'hui le contrecoup de cet oubli. Un créancier par ailleurs impliqué dans une procédure judiciaire avec une SPRL, a saisi le Président du tribunal de commerce d’Anvers lorsque cette dernière a annoncé son intention de procéder à une réduction de capital. Le créancier s’est demandé, à juste titre, s’il ne pouvait pas bénéficier de la même protection que si son débiteur avait été une SA. Il appartient aujourd’hui à la Cour constitutionnelle de lever le doute sur cette question, bien que la réponse semble d’ores et déjà assez prévisible.

Pour plus d’informations sur ce sujet, vous pouvez vous adresser à Joost van Riel (auteur) et Gwen Bevers (chef de cellule).

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