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Clauses pay-if/when-paid dans les contrats de sous-traitance : les écueils à éviter

Droit privé de la construction

Dans les contrats de sous-traitance, les parties optent parfois pour une clause pay-if-paid ou une clause pay-when-paid. De telles clauses ont pour effet de subordonner (« back-to-back ») le paiement du sous-traitant par l’entrepreneur principal au paiement de l’entrepreneur principal par son propre donneur d’ordre. Le critère déterminant pour le paiement du sous-traitant (par l’entrepreneur principal) est en d’autres termes le paiement par le donneur d’ordre.

Dans un jugement récent, le Tribunal de l’entreprise d’Anvers — division Anvers, s’est prononcé concernant une clause pay-if/when-paid et a prononcé sa nullité.[1]

Dans le présent bulletin d’information, nous examinons brièvement d’une part la notion de clauses pay-if/when-paid et d’autre part les écueils à éviter en cas de recours à de telles clauses.

13 novembre 2023


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1.         Clauses Pay-if/when-paid : la distinction

 

Dans le cadre d’une clause dite pay-when-paid, l’entrepreneur principal s’engage à payer son sous-traitant dès qu’il aura lui-même été payé par le donneur d’ordre. L’échéance de la créance du sous-traitant à l’égard de l’entrepreneur principal est en d’autres termes différée. Ce type de clause a par conséquent pour effet de faire supporter le risque de retard de paiement par le seul sous-traitant.

 

Une clause dite pay-if-paid a, quant à elle, pour effet de subordonner l’obligation de paiement de l’entrepreneur principal envers son sous-traitant à une condition : l’entrepreneur principal est exclusivement tenu de payer son sous-traitant si le donneur d’ordre paie l’entrepreneur principal. Contrairement à une clause pay-when-paid, une clause pay-if-paid fait supporter le risque de paiement proprement dit par le sous-traitant.

 

2.         Clauses pay-if/when-paid : les écueils

Bien que le Tribunal de l’entreprise d’Anvers ne se soit pas prononcé explicitement, dans le jugement susmentionné, sur la question de savoir s’il s’agissait en l’espèce d’une clause pay-when-paid ou d’une clause pay-if-paid, le tribunal a néanmoins énoncé trois motifs juridiques clairs sur la base desquels il avait prononcé la nullité de la clause en question.

 

Nous examinons brièvement ci-dessous les différents motifs juridiques sur lesquels le tribunal s’est appuyé et, par conséquent, les écueils à éviter lorsqu’une telle clause est insérée dans un contrat.

 

a.         Le délai de paiement maximum de soixante jours est de droit impératif (art. 4, §1, deuxième alinéa de la loi concernant la lutte contre le retard de paiement)

 

Le premier motif juridique invoqué par le jugement porte sur les dispositions impératives de la loi concernant la lutte contre le retard de paiement[2].

La loi concernant la lutte contre le retard de paiement prévoit d’office un délai de paiement de trente jours[3]. Les parties peuvent y déroger contractuellement, mais elles ne peuvent stipuler un délai de paiement supérieur à soixante jours conformément aux dispositions impératives de l’article 4, §1, deuxième alinéa de la loi concernant la lutte contre le retard de paiement.

 

La clause pay-when-paid reporte la date d’échéance de la créance du sous-traitant sur l’entrepreneur principal et a, en d’autres termes, pour effet de prolonger le délai de paiement.

 

Le Tribunal de l’entreprise d’Anvers a déduit du contrat de sous-traitance en question que l’entrepreneur principal s’était engagé à rémunérer son sous-traitant. Les parties avaient par conséquent convenu non pas d’une condition (suspensive), mais bien d’un délai de paiement, auquel les dispositions impératives de la loi concernant la lutte contre le retard de paiement étaient applicables.

 

L’application de cette clause entraînant le dépassement du délai de paiement maximal impératif de soixante jours, le tribunal a prononcé la nullité de la clause pay-if/when-paid en question sur la base d’une violation des dispositions impératives de la loi concernant la lutte contre le retard de paiement.

 

b.         Présomption d’abus en cas de transfert du risque économique (art. VI.91/5, 3° CDE)

 

Le deuxième motif juridique sur lequel repose le jugement est une violation des dispositions du Code de droit économique (CDE) en matière de clauses abusives dans les contrats B2B et plus particulièrement de l’article VI.91/5, 3° CDE.

 

Une clause qui vise à placer le risque économique sur une partie sans contrepartie alors qu’il devrait normalement incomber à l’autre société ou à une autre partie, est présumée abusive conformément à l’article VI.91/5, 3° CDE. La clause pay-if/when-paid doit elle aussi se conformer à cette disposition.

 

Le Tribunal de l’entreprise d’Anvers a estimé qu’en cas de clause pay-if/when-paid, le risque de paiement ou à tout le moins le risque de retard est transféré au sous-traitant, alors que ce risque économique devrait en principe incomber à l’entrepreneur principal.

 

Étant donné que le contrat de sous-traitance en question ne prévoyait aucune contrepartie pour le sous-traitant concernant le transfert du risque, le tribunal a considéré que la clause pay-if/when-paid en question était abusive et par conséquent nulle.

 

c.         Abus de droit

 

Le jugement invoque enfin l’abus de droit en tant que motif juridique.

Comme toute clause contractuelle, la clause pay-if/when-paid est susceptible de constituer un abus de droit. L’application abusive d’une clause pay-if/when-paid peut avoir pour conséquence d’empêcher l’entrepreneur principal d’encore pouvoir se prévaloir de ladite clause.

 

C’est ainsi que le Tribunal de l’entreprise d’Anvers a en l’espèce considéré que l’entrepreneur principal ne pouvait se prévaloir de la clause pay-if/when-paid en question dès lors que le donneur d’ordre ne payait pas l’entrepreneur principal sur la base de l’exception d’inexécution et/ou d’autres manquements imputables à l’entrepreneur principal et non pas au sous-traitant.

 

3.         Conclusion

 

L’avenir des clauses pay-if/when-paid dans les contrats régis par le droit belge semble fortement compromis par ce jugement du Tribunal de l’entreprise d’Anvers.

 

Malgré leur validité de principe, il convient de faire preuve d’une vigilance et d’une précision particulières lors de la rédaction de telles clauses. La sanction est en effet sévère : une clause pay-if/when-paid déclarée nulle et non avenue est réputée n’avoir jamais existé. L’entrepreneur principal ne peut alors s’en prévaloir à l’égard de son sous-traitant, que ce soit pour les paiements effectués dans le passé ou pour ceux qui le seront à l’avenir.

 

Pour un conseil plus spécifique concernant cette thématique, n’hésitez pas à contacter Jens Rediers, Sophie De Krock et Michiel Reynders.



[1] Trib. entr. Anvers 30 mars 2023, n° RG/22/03905, DAOR 2023/2, n° 146, 57.

[2] Loi du 2 août 2002 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, telle que modifiée dernièrement par la loi modificative du 14 août 2021 (entrée en vigueur : 1er février 2022)

[3] Article 4, §1, alinéa premier de la loi concernant la lutte contre le retard de paiement

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