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La Cour constitutionnelle a tranché : les ACP sont des entreprises. Mais pas pour longtemps… ?

Droit privé de la construction

Dans son arrêt n° 93/2023 du 15 juin 2023, la Cour constitutionnelle a considéré que la qualification des associations de copropriétaires (désignées ci-après les ACP) comme étant des entreprises au sens de l’article I.1, 1° du CDE, ainsi que les conséquences qui en découlent, ne sont pas discriminatoires à l’égard des personnes physiques chargées de la gestion et de la conservation de bâtiments.

28 juillet 2023


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La loi du 15 avril 2018 portant réforme du droit des entreprises avait à l’époque profondément élargi la notion d’entreprise. Aujourd’hui, toutes les personnes morales notamment doivent être considérées, sans autre condition, comme une entreprise au sens de l’article I.1, 1° du CDE. Ce qui signifie que si une organisation est dotée de la personnalité juridique, tant les organisations économiques que les organisations non économiques sont qualifiées d’entreprises. Une ACP se voit accorder la personnalité juridique en vertu de l’article 3.86, § 1 du Code civil si les deux conditions énoncées dans cet article sont remplies. Indépendamment des motivations purement pratiques du législateur pour justifier cette personnalité juridique, à savoir l’action commune des copropriétaires en justice, il en résulte également qu’une ACP est une entreprise au sens juridique du terme.

 

Dans cet arrêt, la Cour développe deux conséquences de cette qualification : d’une part, une ACP ne pourra plus saisir le tribunal de première instance lorsqu’il s’agit d’un litige entre une ACP et une autre entreprise, comme par exemple un architecte ou un entrepreneur. Seul le tribunal de l’entreprise est en effet compétent pour les litiges qui opposent deux entreprises, a confirmé la Cour. La Cour considère que cette situation n’est pas discriminatoire puisque les parties peuvent faire valoir leurs droits de la même manière devant le tribunal de l’entreprise.

 

La Cour considère par ailleurs que le régime de la libre administration de la preuve applicable aux entreprises ne désavantage pas les ACP. Ce qui n’est pas sans conséquence sur le plan de la procédure. Eu égard à l’application de la règle de la libre administration de la preuve, toute ACP aura, par exemple, intérêt à répondre aux factures et autres lettres — voire de les protester — dans un délai raisonnable. À défaut, cette absence de réaction sera considérée comme une preuve de l’acceptation par l’ACP. (voir art. 8.11 du Code civil)[1]

 

La critique à ce sujet est bien connue : une ACP ne fait que représenter les différents propriétaires. Les agissements de l’association ne concernent en principe que les capitaux propres des différents propriétaires et non les capitaux propres de la personne morale. La qualification d’entreprise serait donc malheureuse.

 

Le législateur n’est pas insensible à cette discussion, mais son avis sur la question est différent de celui de la Cour. C’est ainsi qu’une proposition de loi visant à modifier le Code civil a été déposée depuis le 23 juin 2020, compte tenu des conséquences indésirables, selon les auteurs de ladite proposition de loi, de la personnalité juridique pour les ACP.[2] La proposition de loi a dans l’intervalle fait l’objet de deux amendements. Le dernier en date propose la solution suivante : l’ACP conserve le statut de consommateur si la moitié au moins des lots de l’immeuble ou du groupe d’immeubles dont l’ACP assure la conservation et la gestion est exclusivement ou principalement destinée au logement.[3]

 

Cette proposition de loi n’est toutefois pas encore un texte de loi applicable. Il faudra attendre de voir si elle est finalement votée et selon quels termes. D’ici là, l’arrêt de la Cour restera applicable : toute ACP dotée de la personnalité juridique est et reste une entreprise au sens du CDE.

 

Pour toute question concernant cette thématique, n’hésitez pas à contacter Els Op de Beeck et Tom Lenaerts (les auteurs). [4]

 



[1] Cour const., 15 juin 2023, n° 93/2023, considérants B.7. – B.9.

[2] Voir : 55K1372001.indd (lachambre.be).

[3] Voir : Proposition (lachambre.be).

[4] Nous remercions Magali Van Himbergen, stagiaire d’été chez Schoups, pour sa contribution.

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