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Aveu de motifs d'exclusion : en matière de marchés publics, la parole est d'argent et le silence est... proscrit

Marchés publics

Dans un arrêt du 14 janvier 2021, la Cour de justice s'est prononcée sur la manière dont la preuve de mesures correctives peut être apportée et à quel stade de la procédure d'attribution du marché.[1]


18 novembre 2021


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Les faits à l'origine de l'arrêt portaient sur l'exclusion d'un soumissionnaire qui était concerné – selon le pouvoir adjudicateur – par un motif d'exclusion facultatif pour avoir commis une faute professionnelle grave. Le Conseil d'État précise que la qualification de "faute grave" n'est pas toujours prévisible pour un soumissionnaire et qu'il est également possible que l'appréciation de cette faute diffère d'un pouvoir adjudicateur à l'autre. À quoi le Conseil ajoute qu'il est par ailleurs peu probable que les entreprises soient enclines à verser dans une forme d'auto-accusation. Dans un arrêt du 7 mai 2019 (CdÉ 7 mai 2019, n° 244.404), le Conseil d'État a décidé de poser une question préjudicielle à la Cour de Justice.

 

La question centrale est de savoir s'il est possible d'imposer la fourniture, de sa propre initiative, de la preuve des mesures correctives prises lors de l'introduction d'une demande de participation ou de soumission.

 

La législation belge prévoit que l'opérateur économique doit prouver les mesures correctives de sa propre initiative, démontrant ainsi sa fiabilité malgré sa situation d'exclusion (à l'exception des dettes fiscales et sociales) et donc qu'il ne doit pas être exclu.

 

La Cour constate que la Directive reste muette à cet égard, de sorte que les États membres peuvent déterminer librement les conditions procédurales – comme la communication spontanée de la preuve – tout en se conformant aux principes des marchés publics et au principe de respect des droits de la défense. 

 

Le principe d'égalité de traitement et de transparence exige que les opérateurs économiques soient informés au préalable, de manière claire, précise et univoque, de l'obligation de fournir des preuves de leur propre initiative. Cette information doit ressortir directement des documents d'adjudication ou être signalée par une référence à la réglementation nationale pertinente. Une référence générale à la loi sur les marchés publics dans le cahier des charges n'est, à notre avis, pas suffisante en la matière.

 

Le principe du respect des droits de la défense implique le droit d'être entendu, l'opérateur économique devant être en mesure d'exposer son point de vue de manière utile et effective. Ce qui suppose que les opérateurs économiques soient en mesure de déterminer eux-mêmes, sur la base des informations contenues dans les documents d'appel d'offres et dans la législation nationale, les motifs d'exclusion que le pouvoir adjudicateur pourrait invoquer à leur encontre. La Cour n'aborde pas le cas où il est impossible pour l'opérateur économique de déterminer quels motifs d'exclusion peuvent être invoqués. Il est pourtant souvent difficile de déterminer – comme le font remarquer le Conseil d'État et l'avocat général – si le pouvoir adjudicateur en question jugera que tel ou tel motif d'exclusion spécifique trouve ou non à s'appliquer. Le pouvoir adjudicateur dispose en effet souvent d'une grande marge d'appréciation lorsqu'il évalue si un motif d'exclusion est ou non applicable à un opérateur économique.

 

Il faut, à notre avis, retenir de cet arrêt qu'en cas de doute, le soumissionnaire avisé a tout intérêt à introduire spontanément les mesures correctives dans sa demande de participation ou dans son offre. À contrario, il appartient aussi, à notre avis, au pouvoir adjudicateur avisé  – en cas de discussion aussi infime soit-elle quant à l'existence ou non d'un motif d'exclusion – d'interroger l'opérateur économique concerné et de lui donner la possibilité de prouver les mesures correctives prises. Dans une telle situation, une exclusion automatique serait, à notre avis, en tout cas contraire au droit d'être entendu et, plus concrètement, au droit de pouvoir exposer son point de vue de manière utile et effective.

 

Pour davantage d'informations sur ce thème, nous vous invitons à contacter Sophie Bleux et Karolien Van Butsel.

[1] CJ 14 janvier 2021, C-387/19, RTS Infra sprl, Aannemingsbedrijf Norré-Behaegel sprl c/ Région flamande.

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