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Assurance obligatoire des dommages résultant d’un affaissement dû à l’assèchement du sol : la Cour constitutionnelle rejette le recours introduit par les assureurs

Droit des assurances

Le 13 janvier 2022, nous nous penchions sur la loi interprétative du 29 octobre 2021, par laquelle le législateur interprétait rétroactivement l’article 124, §1er, d) de la loi sur les assurances (voir ici pour plus d’informations). Cette loi précise que la contraction d’une masse importante de terrain à la suite d’une période de sécheresse prolongée relève du champ d'application de la disposition légale susmentionnée (à savoir la notion de « glissement ou affaissement de terrain » au sens de « catastrophe naturelle »). Les assureurs sont par conséquent tenus d'inclure, dans la couverture de l'assurance incendie risques simples, les dommages qui en résultent dans le cadre de la garantie des catastrophes naturelles.

26 juin 2023


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Nous vous avions ensuite informés (ici) qu’Assuralia et plusieurs assureurs avaient introduit un recours en suspension et en annulation devant la Cour constitutionnelle, estimant que la loi entrainait une incertitude juridique plus étendue encore, tant pour les assureurs que pour les assurés. Les requérants opposaient qu’en réalité, seuls les dommages consécutifs étaient couverts, et non les coûts nécessaires pour stabiliser l’habitation et prévenir les dommages futurs, de sorte qu’aucune solution durable n’était apportée par la loi (qui obligeait par ailleurs les assureurs à intervenir pour un sinistre pour lequel ils ne reçoivent aucune prime).

Par son arrêt n°86/2023 du 1er juin 2023 (https://www.const-court.be/public/f/2023/2023-086f.pdf), la Cour constitutionnelle a tranché la polémique et a rejeté les recours.

De son analyse des travaux préparatoires relatifs à la loi interprétative de 2021, la Cour constitutionnelle déduit que l’article 124, §1er, d) de la loi sur les assurances aurait toujours visé à couvrir tous les glissements ou affaissements de terrain dus en tout ou en partie à un phénomène naturel autre qu’une inondation ou un tremblement de terre. Les travaux préparatoires faisaient en effet référence à la sécheresse récurrente, et ses implications sur l’endommagement des sous-sols (et des habitations bâties sur un sol argileux). La modification de la loi relative aux assurances avait été approuvée en 2005 afin que les dommages causés par une catastrophe naturelle soient inclus dans l’assurance habitation. Toutefois, afin que les dommages soient couverts, il fallait que le sol ne s’affaisse ni subitement ni exclusivement par l’effet d’un phénomène naturel. Les assureurs pouvaient alors déterminer eux-mêmes si un affaissement de terrain était dû partiellement ou non à un phénomène naturel. Toutefois, les travaux préparatoires pointaient du doigt certains assureurs qui abusaient de cette liberté d’appréciation en soutenant que la contraction du sol ne constituait pas un affaissement, puisqu’il ne s’agissait pas d’un mouvement d’une masse importante de terrain, comme le requiert la loi. Ces mêmes assureurs estimaient encore, toujours selon les travaux préparatoires, que rien ne prouvait que la contraction du sol était due à la sécheresse.

C’est pour remédier à ces malentendus que la loi interprétative a été adoptée : les travaux préparatoires le mentionnent expressément. C’est ainsi, selon la Cour constitutionnelle, qu’il peut être admis que l’intention du législateur a toujours été de considérer toute « contraction d’une masse importance de terrain due en tout ou en partie à une période de sécheresse prolongée » comme un « glissement ou affaissement de terrain ».

La Cour constitutionnelle note que la disposition attaquée donnait à l’article 124, §1er, d) de la loi relative aux assurances un sens que, dès son adoption, le législateur a voulu lui donner et qu’il pouvait raisonnablement recevoir, de sorte que la rétroactivité de la disposition attaquée se justifiait par le caractère interprétatif de ladite disposition.

Les recours introduits sont intégralement rejetés, ce qui implique que les assureurs ont l’obligation d’assurer les dommages liés à la contraction du sol, et ce, de manière rétroactive. L’obligation d’accorder couverture impliquera certainement une augmentation corrélative du montant des primes qui seront appliquées par les assureurs. À voir dans le futur comment les assureurs analyseront de manière casuistique la contraction des sols et de quelle manière cette contraction serait en partie ou non due à la sécheresse.

Pour davantage d’informations concernant cette thématique, nous vous invitons à consulter Melissa Olivotto (auteur) et Bob Goedemé (responsable de la cellule Droit des assurances).

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