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Attendez-vous à un assureur (plus) réactif en cas de sinistre : des règles générales sont imminentes en matière de délais dans lesquels les assureurs sont tenus de réagir et d’indemniser (avec des sanctions à la clé)

Droit des assurances

Vous devez faire face à un sinistre. Heureusement, vous êtes assuré(e). Vous déclarez votre sinistre à votre assureur dans l’espoir d’un règlement rapide. Et c’est là que les choses se corsent… Les raisons ne manquent pas.

12 avril 2024


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Les assureurs ne sont actuellement soumis à des délais et à des sanctions spécifiques pour le règlement des sinistres que dans certaines branches d’assurance. Tel est le cas, notamment, de l’assurance RC véhicules à moteur et de l’assurance incendie. Un cadre juridique général concernant les délais dans lesquels les assureurs sont tenus de fournir leurs prestations et les sanctions auxquelles ils s’exposent s’ils ne le font pas était nécessaire. Une nouvelle loi vient de changer la donne.

Le constat était là : la législation en vigueur manquait de cohérence au niveau des délais dans lesquels les assureurs sont tenus de fournir leurs prestations. Certaines branches d’assurance sont soumises à des règles très précises assorties de sanctions alors que d’autres branches d’assurance ne sont pas couvertes par ces règles spécifiques et ne sont soumises à aucune règle en matière de délais dans lesquels l’assureur est tenu de fournir ses prestations. Ce sont surtout ces assurances peu réglementées qui laissaient souvent le bénéficiaire de la prestation d’assurance dans l’expectative pendant une longue période.

Dans l’optique de la protection des consommateurs, le législateur a jugé souhaitable de mettre fin à cette distinction en introduisant un cadre juridique général pour les délais et les sanctions en matière de prestations d’assurance. L’objectif est de parvenir à un règlement optimal et sans retard injustifié des sinistres. Ce qui requiert, selon le législateur, une bonne communication réciproque entre les assureurs et les assurés ou les personnes lésées (en particulier concernant les informations pertinentes et nécessaires pour le règlement du sinistre).

Une loi du 17 mars 2024, qui entrera en vigueur à l’automne, introduit ce cadre légal général dans la loi relative aux assurances de 2014.

Le législateur a choisi d’introduire trois régimes de délais et de sanctions en matière de prestations d’assurance, et ce, en fonction de la branche d’assurance. Pour l’assurance de la responsabilité, le législateur s’est inspiré des règles déjà en vigueur pour l’assurance RC véhicules à moteur. Pour l’assurance de choses, la modification de la loi se traduit par un élargissement des règles applicables à l’assurance incendie. Enfin, la loi introduit un régime général pour les autres branches d’assurance (par exemple, l’assurance accident et l’assurance soins de santé). Les modifications seront intégrées en conséquence (là où il y a lieu) dans la loi relative aux assurances de 2014.

Le champ d’application de la nouvelle réglementation est limité aux bénéficiaires directs de la prestation d’assurance. Les tiers subrogés (par exemple, d’autres assureurs qui ont indemnisé le sinistre et qui disposent d’un recours contre les parties responsables, les caisses d’assurance maladie, etc.) et/ou les prestataires de services auxquels l’assureur verse des montants selon un mécanisme convenu (par exemple, les experts, les médecins-conseils, les avocats mandatés dans le cadre d’une assurance de protection juridique) sont exclus de ce champ d’application.

1.Assurances de la responsabilité

Comme indiqué ci-dessus, les nouvelles règles en matière d’assurance de la responsabilité s’inspirent des règles applicables en matière d’assurance RC véhicules à moteur.

Lorsque l’assureur de la responsabilité ne conteste, ni la couverture et le dommage, ni la responsabilité de son assuré, ET que le dommage a été quantifié , il est tenu de présenter son offre d’indemnisation motivée à la personne lésée dans un délai de trois mois. Si le dommage n’est pas encore entièrement quantifié, l’assureur est tenu de faire une proposition d’avance.

L’assureur qui ne respecte pas ce délai est redevable de plein droit d’intérêts au taux légal (à calculer sur le montant encore proposé par l’assureur, ou accordé à la personne lésée par le juge). Cette sanction est également applicable si l’assureur n’a pas payé l’indemnité qu’il a proposée dans un délai de trente jours ouvrables ou si l’indemnité proposée par l’assureur est manifestement insuffisante.

Si l’assureur de la responsabilité conteste la couverture, la responsabilité ou le dommage , ou si le dommage n’a pas encore été quantifié, il est tenu de formuler sa réponse motivée à la demande d’indemnisation de la personne lésée dans un délai de trois mois. Tout non-respect de ce délai est sanctionné d’un dédommagement forfaitaire (unique) de 300,00 euros.

L’assureur qui, après l’expiration de ce délai, et après avoir reçu un rappel par courrier recommandé, ne réagit pas dans un délai de onze jours (en réalité min. quatorze jours) par une réponse motivée ou une proposition d’indemnisation motivée, est redevable de plein droit au bénéficiaire de la prestation d’assurance d’un montant forfaitaire de 300,00 euros par jour à dater de l’envoi du rappel.

Les deux montants de 300,00 euros sont par ailleurs indexés au 1er janvier de chaque année sur la base de l’indice des prix à la consommation.

L’assureur qui ne respecte pas les délais impartis s’expose par conséquent à devoir débourser des indemnités qui peuvent rapidement s’envoler. Les délais susmentionnés sont toutefois suspendus si l’assureur a informé le bénéficiaire par écrit des raisons indépendantes de sa volonté qui rendent impossible la bonne exécution de ses obligations dans le délai imparti. Parmi ces « raisons indépendantes de sa volonté », l’exposé des motifs mentionne les sinistres multiples, les sinistres très complexes ou les litiges entre héritiers pour lesquels il n’est pas évident de savoir à qui l’indemnité doit être versée.

2.Assurances de choses

Les règles actuellement applicables aux assurances incendie sont élargies à toutes les assurances de choses. Ici aussi, l’assureur sera tenu au respect d’un délai de trois mois pour répondre de manière motivée à toute demande d’indemnisation de son assuré.

Les sanctions sont similaires à celles décrites ci-dessus pour l’assurance de la responsabilité. S’il ne respecte pas le délai de trois mois, l’assureur sera redevable au bénéficiaire d’un montant forfaitaire (unique) de 300,00 euros. Si, après l’expiration de ce délai de trois mois, le bénéficiaire doit adresser un rappel à l’assureur (par lettre recommandée) et que l’assureur n’y réagit pas dans les 11 jours (en réalité min. 14 jours) , l’assureur sera de plein droit redevable au bénéficiaire d’un montant forfaitaire de 300,00 euros par jour à compter de l’envoi du rappel. À l’instar des règles applicables à l’assurance de la responsabilité, ces montants seront également indexés au 1er janvier de chaque année sur la base de l’indice des prix à la consommation.

L’assureur est tenu de verser la partie de l’indemnité fixée sans contestation d’un commun accord avec l’assuré dans un délai de trente jours.

En cas de contestation de la totalité ou d’une partie du montant du dédommagement, les deux parties sont tenues de désigner un expert afin de parvenir à un accord sur ce point. Si les experts n’y parviennent pas non plus, ils désigneront conjointement un troisième expert et le montant de l’indemnisation sera définitivement fixé à la majorité de leurs voix. Par analogie avec les règles en vigueur en matière d’assurance incendie, cette expertise doit être achevée dans un délai de 90 jours suivant la notification par l’assuré à l’assureur de la désignation de son expert. L’assureur dispose ensuite d’un délai de 30 jours après l’achèvement de cette expertise pour effectuer le versement de l’indemnisation.

Les délais prévus par la loi sont suspendus si l’assuré n’a pas rempli toutes les obligations prévues par le contrat d’assurance, s’il y a lieu de penser que le sinistre a été causé intentionnellement ou si l’assureur a informé le bénéficiaire par écrit de raisons indépendantes de sa volonté qui l’empêchent de déterminer le montant du sinistre.

Si l’assureur ne respecte pas le délai de paiement de sa prestation d’assurance, il devra en outre payer des intérêts (sur la partie non payée en temps voulu) à un taux deux fois supérieur au taux d’intérêt légal.

En plus de l’extension des règles (déjà en vigueur pour l’assurance incendie) à l’assurance de choses en général, la nouvelle loi introduit également un certain nombre de règles supplémentaires pour l’assurance incendie. C’est ainsi que la loi prévoit que le nouvel article 121, §8 de la loi relative aux assurances mentionnera également pour l’assurance incendie le délai de trois mois dans lequel l’assureur devra réagir à la demande d’indemnisation qui lui est soumise par l’assuré (avec les sanctions y afférentes). Cette nouvelle disposition ne s’appliquera toutefois pas aux risques simples. Cette précision découle d’une observation du Conseil d’État, qui a estimé que le nouvel article 121, §8 de la loi relative aux assurances était incompatible avec l’actuel article 121, §2 de la loi relative aux assurances (qui réglemente déjà les risques simples).

3.Autres assurances

Un nouvel article général 73/1 est introduit dans la loi relative aux assurances de 2014 pour les branches d’assurance qui ne sont pas régies par les dispositions légales spéciales susmentionnées.

En vertu de cette disposition, l’assureur qui conteste la couverture d’un sinistre disposera également d’un délai de trois mois pour réagir à une demande de paiement d’une prestation d’assurance. En plus de la sanction forfaitaire de 300,00 euros (unique et, après un rappel recommandé, par jour de retard) à défaut de réponse ou de proposition de paiement motivée dans le délai imparti, la règle sera ici aussi que l’assureur devra exécuter ses prestations d’assurance dans les trente jours qui suivent la détermination du montant de celle-ci. À défaut, l’assureur sera redevable d’un intérêt égal à deux fois le taux d’intérêt légal.

Les autres règles en matière de délai de paiement et de possibilités de suspension du délai seront identiques à celles qui sont applicables à l’assurance de la responsabilité.

*

Ce nouveau cadre légal entrera en vigueur le 1er octobre 2024. Il sera applicable à toutes les demandes d’indemnisation introduites à partir de cette date.

Ces nouvelles règles en matière de délais et de sanctions pour les assureurs sont, selon notre expérience, la conséquence logique de situations sociétales intolérables où les paiements d’assurance se font souvent attendre (trop) longtemps. Elles promettent de provoquer de nombreux remous dans la pratique de l’assurance. Pour les assureurs d’abord, mais aussi pour les assurés, les personnes lésées et les bénéficiaires, il s’agira de faire preuve de rigueur administrative et de respect des règles.

Bien que l’on imagine difficilement comment on pourrait s’opposer à l’objectif du législateur (« un règlement optimal et sans retard injustifié des sinistres »), on peut s’attendre à ce que ces nouvelles dispositions ne passent pas inaperçues.

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