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Un cadre juridique spécifique pour les baux commerciaux de courte durée pour bientôt?

Droit privé de la construction

25 novembre 2015


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Lorin Parys et Jos Lantmeeters, membres du Parlement flamand, ont déposé en mars 2015 une proposition de décret visant à régir les baux commerciaux de moins d'un an en réaction à l’apparition des commerces dits 'pop-up' sur le marché flamand.

Les commerces 'pop-up' permettent aux entrepreneurs de tester la viabilité d’un projet avant de se lancer dans un investissement à long terme. Selon les auteurs de la proposition de décret, les entrepreneurs se heurtent toutefois souvent aux réticences des propriétaires de locaux commerciaux vides qui craignent de voir le contrat de bail temporaire requalifié en bail commercial, ce qui les obligerait à satisfaire aux dispositions impératives de la loi sur les baux commerciaux du 30 avril 1951, et notamment la durée minimale obligatoire de bail qui est de 9 ans.

La proposition de décret vise à répondre à cette insécurité en créant un cadre juridique distinct pour certains contrats de bail d'une durée inférieure à un an. La question qui se pose est de savoir si un tel cadre est réellement nécessaire, et le cas échéant, si la proposition permet de répondre aux interrogations soulevées par le bail 'pop-up'.

Les mesures envisagées dans la proposition de décret s’appliqueraient à la location d’un bâtiment (de parties d’un bâtiment) qui serait utilisé par un locataire en vue de l’exercice d’un petit commerce ou d’une activité artisanale. Le locataire y serait en contact direct avec le public. Par ailleurs, la location doit être autorisée pour une durée inférieure à un an (article 2) du fait de sa nature ou de sa destination ou encore en raison des usages.

Ce n'est pas un hasard si le champ d'application de la proposition reflète quasiment mot pour mot l'exclusion prévue par l'article 2, 1°, de la loi sur les baux commerciaux actuellement en vigueur. En calquant le champ d’application de la proposition de décret sur celui de l’exclusion prévue dans la loi sur les baux commerciaux, les auteurs de la proposition ont souhaité faire disparaître les craintes des parties de voir le contrat de bail requalifié en bail commercial.

Si un contrat de bail remplit les conditions de l’article 2, 1°, de la loi sur les baux commerciaux, aucun doute n'est permis : la loi sur les baux commerciaux ne s’applique pas. Ce point n’a jamais été contesté. Le contrat de bail est alors soumis aux règles du droit commun des baux.

Le risque de voir le contrat de bail requalifié en bail commercial n’existe que si les parties concluent un contrat de bail, pour une durée inférieure à un an, qui n’est pas consenti en raison de la nature du bien ou de sa destination ou des usages. La proposition de décret ne remédie toutefois pas à cette éventualité, puisqu’un tel contrat de bail relèvera effectivement du champ d’application de la loi sur les baux commerciaux. La proposition de décret introduit un nouveau critère destiné à s’assurer que le bail est consenti 'en raison de la nature du bien ou de sa destination ou des usages pour une durée inférieure à un an'. La Cour de cassation a eu l’occasion de préciser que le critère devant être pris en compte n’était pas celui de la durée du bail. Les contrats de bail conclus pour une durée supérieure à un an peuvent également être exclus du champ d’application de la loi sur les baux commerciaux lorsqu’ils remplissent les conditions de l’article 2, 1° (25 mars 1983, Arr. Cass. 1982-83, 913). L’indication figurant dans l’exposé des motifs de la proposition de décret selon laquelle un contrat de bail (renouvelé) de plus d’un an serait requalifié automatiquement en bail commercial est donc erronée.

La proposition de décret crée donc un nouveau régime de bail assorti de règles contraignantes (on le suppose) et dérogatoire du droit commun des baux.

La proposition contient toutefois des incohérences et manque de clarté par endroits.

  • Ainsi, l’article 4 de la proposition prévoit que le contrat de bail expire de droit à la date d’échéance du bail, sans droit au « renouvellement ». Le droit commun des baux prévoit que si le locataire reste dans les lieux après l’expiration du bail sans opposition du bailleur, le bail est reconduit aux mêmes conditions, y compris en ce qui concerne la durée (article 1738 du Code civil). Au vu de l’exposé des motifs de la proposition de décret, il apparaît que les auteurs de la proposition entendaient déroger à cette disposition et exclure tout 'prolongement' du bail. La référence au 'renouvellement' (notion du droit des baux commerciaux) dans le texte de la proposition de décret ne permet toutefois pas d’affirmer avec certitude que toute reconduction tacite en application du droit commun des baux est exclue.
  • L’article 9 de la proposition de décret prévoit que le locataire a le droit de réaliser des travaux d’aménagement utiles à son entreprise dans la mesure où les coûts engagés ne dépassent pas un an de loyers et à condition d'en informer le bailleur. Cette disposition est reprise quasiment mot pour mot de l’article 7 de la loi sur les baux commerciaux, à l’exception de la possibilité offerte au bailleur de s’opposer à l’exécution des travaux pour des raisons légitimes. Bien que le bailleur ne soit pas tenu en vertu de l'article 9 de la proposition de décret de donner son accord pour l'exécution des travaux, il peut, en vertu de l'article 10, faire cesser ces derniers en l'absence de cet accord. Les deux articles sont contradictoires. Cette situation crée une insécurité juridique pour le locataire qui, en tout état de cause, sera bien inspiré de recueillir l'accord du bailleur.

Au final, on est en droit de se demander si la création d’un cadre juridique supplémentaire pour une sous-catégorie de contrats de bail est vraiment nécessaire, dans la mesure où cette sous-catégorie est déjà exclue du champ d'application de la loi sur les baux commerciaux et relève dès lors du droit commun des baux.

La proposition de décret contient par ailleurs des incertitudes tant en ce qui concerne son contenu que son libellé.

La proposition de décret a été transmise le 5 mai 2015 pour examen devant la Commission de l’Economie, de l’Emploi, de l’Economie sociale, de l’Innovation et de la Politique scientifique du Parlement flamand sans qu'il ait été, jusqu'à présent, donné suite.

Pour plus d’informations sur ce sujet, vous pouvez vous adresser à Ewoud Willaert et Evelyne Put (les auteurs).

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