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(Nullité de) la responsabilité solidaire convenue entre l’entrepreneur et l’architecte à l’égard d’un promoteur immobilier : quelques observations à la lumière de la jurisprudence constante de la Cour de cassation.

Droit privé de la construction

Depuis 2014, la jurisprudence constante de la Cour de cassation[1] considère qu’une clause contractuelle en vertu de laquelle, en cas de fautes concurrentes, l’architecte et l’entrepreneur ne doivent réparation au maître de l’ouvrage qu’à concurrence de leur propre part dans la réalisation du dommage, est contraire à l’ordre public.

24 janvier 2023


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En vertu de l’article 1792 de l’ancien Code civil, l’entrepreneur et l’architecte sont responsables pendant dix ans des défauts susceptibles de compromettre la solidité ou la stabilité de l’ouvrage (« la responsabilité décennale »). Cette responsabilité est d’ordre public. Dès lors qu’une clause en vertu de laquelle, en cas de faute concurrente de l’entrepreneur, l’architecte ne devrait réparation au maître de l’ouvrage qu’à concurrence de sa propre part dans la réalisation du dommage, implique une limitation de la responsabilité de l’architecte envers le maître de l’ouvrage qui découle de l’article 1792 de l’ancien Code civil, une telle clause est contraire à l’ordre public.

 

À la lumière de la jurisprudence susmentionnée de la Cour de cassation, un jugement récent du tribunal de première instance de Luxembourg, division Neufchâteau[2], n’est pas sans soulever certaines interrogations.

 

Le tribunal de Neufchâteau devait se prononcer concernant un litige survenu dans le cadre d’un contrat de promotion immobilière conclu entre un promoteur immobilier, des entrepreneurs et un architecte. 

 

Le contrat comportait une clause qui prévoyait la responsabilité solidaire des entrepreneurs et de l’architecte à l’égard du promoteur immobilier. Le juge de Neufchâteau a estimé qu’une telle clause était contraire à l’ordre public compte tenu de l’indépendance de l’architecte. La clause était uniquement nulle en ce qui concerne la responsabilité solidaire des entrepreneurs et de l’architecte et non en ce qui concerne la responsabilité solidaire des entrepreneurs entre eux. Sur la base de ce raisonnement, le tribunal a estimé que l’architecte n’était tenu de verser une indemnisation que pour les dommages qui résultaient de sa propre faute.

 

Cette décision va à l’encontre de la jurisprudence constante de la Cour de cassation, selon laquelle une clause limitant la responsabilité de l’architecte pour les défauts qui menacent la stabilité à sa propre part dans ladite faute (« concurrente ») est jugée nulle, car contraire à l’ordre public. Il reste à voir si et de quelle manière le raisonnement du tribunal de Neufchâteau sera repris dans la jurisprudence et la doctrine.

 

Le jugement du tribunal de première instance de Luxembourg, division Neufchâteau, n’est pas un jugement définitif, de sorte qu’un recours pourra au besoin encore être introduit en son temps. Nous ne manquerons pas de suivre l’évolution de ce dossier.

 

Pour toute question concernant cette thématique, n’hésitez pas à contacter Els Op de Beeck et Eva Sterkens (les autrices).

 


[1] Cass. 5 septembre 2014, Arr. Cass. 2014, vol. 9, 1764 ; Cass. 10 février 2022, RW 2021-22, vol. 30, 1183.

[2] Tb. Luxembourg, div. Neufchâteau 20 juillet 2021, TBBR 2022, vol. 6, 354-360.

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