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L’impact d’une transaction pénale sur les marchés publics.

Marchés publics

Comme annoncé dans notre newsflash du 10 mars 2023, des contrôles éclairs se sont tenus dans le secteur de la construction au cours du mois d’avril dernier.

Si malheureusement, vous avez fait l’objet d’un tel contrôle et que des infractions ont été constatées par les services d’inspection sociale, l’Auditeur du travail va peut-être vous proposer une transaction pénale.

De quoi s’agit-il et quels sont les impacts d’une telle transaction sur vos (futurs) marchés publics ?

On fait le point.

19 juin 2023


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Transaction pénale : de quoi s’agit-il ?

 

La procédure de transaction pénale est prévue à l’article 216bis du Code d’instruction criminelle et se définit comme un mode d’extinction de l’action publique moyennant le paiement d’une somme d’argent au profit du Service public fédéral Finances.

 

Notons que certaines conditions doivent être réunies pour que le parquet puisse proposer une transaction pénale :

·        le parquet doit estimer que l’infraction n’est pas de nature à devoir être punie d’un emprisonnement de plus de deux ans (le parquet dispose d’un pouvoir d’appréciation à cet égard) ;

·        l’infraction ne comporte pas une atteinte grave à l’intégrité physique ;

·        en ce qui concerne les infractions sociales qui ont permis d'éluder des cotisations sociales, il faut que l’auteur de l’infraction ait payé les cotisations sociales dont il était redevable, en ce compris les intérêts, et moyennant l'accord de l'administration sociale.

 

Très utilisées dans le cadre d’infractions au code de la route, les transactions pénales sont souvent également proposées par l’Auditorat du travail, dans le cadre d’infractions sociales, tant aux personnes physiques qu’aux personnes morales.

 

La proposition de transaction pénale relève du pouvoir d’appréciation du ministère public, en aucun cas, vous ne pouvez obliger le parquet à vous en proposer une.

 

Quel montant peut proposer le parquet ?

 

C’est le ministère public qui détermine la somme d’argent à payer dans sa proposition. Cette somme ne peut être supérieure au maximum de l’amende prévue par la loi, majorée des décimes additionnels, et doit être proportionnelle à la gravité de l’infraction.

 

Pour les infractions visées au Code pénal social, la somme ne peut être inférieure à 40 % des montants minima de l’amende administrative, le cas échéant multipliés par le nombre de travailleurs, concernés.

 

Exemple :

Lors d’un contrôle, 10 travailleurs n’étaient pas en ordre de « checking at work ». La violation de cette obligation entraine une sanction de niveau 3 du Code pénal social, soit une amende pénale de 100 à 1.000 EUR ou une amende administrative de 50 à 500 EUR.

 

Le proposition que l’auditeur du travail devra donc se situer dans la fourchette suivante :

·        montant minimal : 40 % du minimum de l’amende administrative X décimes X nombre de travailleurs = 20 X 8 ( décimes) X 10 ( travailleurs) = 1.600 EUR.

·        Montant maximum = 500 EUR x 8 ( décimes) X10 ( travailleurs) = 40.000 EUR

 

La fourchette dont dispose l’Auditeur est donc large, ce dernier décidera du montant proposé compte-tenu des éléments du dossier (la bonne foi de l’employeur, l’absence d’antécédents, etc.).

 

Quels sont les effets d’une transaction pénale ?

 

Si le parquet vous propose une transaction pénale, quels en sont les effets ?

 

Premièrement, l’acceptation d’une transaction pénale implique l’extinction de l’action publique. En d’autres termes, elle éteint les poursuites pénales sans reconnaissance de culpabilité pénale dans votre chef. Ceci est bien entendu un avantage considérable, notamment en terme de réputation.

 

Deuxièmement, la transaction pénale ne sera pas inscrite dans l’extrait du casier judiciaire, elle ne pourra dès lors pas servir de base à la récidive. Ces informations sont uniquement enregistrées au casier judiciaire central.

 

Troisièmement, l’acceptation de la transaction n’implique pas dans cotre chef, un aveu ou une reconnaissance officielle de culpabilité. En revanche, le dommage éventuellement causé à des tiers devra être entièrement réparé avant que la transaction ne puisse être proposée. La transaction implique donc la reconnaissance d’une faute civile.

 

Dès lors, il est important de noter que l’acceptation d’une transaction pénale, pourra permettre aux victimes d’un accident du travail de réclamer, le cas échéant, tout dommage qui n'aurait éventuellement pas été indemnisé par l’assurance accidents du travail, devant les juridictions civiles.

 

Quel est l’impact d’une transaction pénale au regard des marchés publics ?

 

L’acceptation d’une transaction pénale par une entreprise qui souhaite participer à un marché public peut-elle avoir des conséquences sur la procédure de passation du marché ? L’adjudicateur pourra-t-il exclure cette entreprise de la procédure de passation du marché compte-tenu du fait que cette dernière a accepté une telle transaction ?

 

Les motifs d’exclusion obligatoires. Pour être exclu obligatoirement d’un marché public, le soumissionnaire en cause doit avoir fait l’objet d’une condamnation prononcée par une décision judiciaire ayant force de chose jugée (cf. article 67 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics).

 

Une transaction pénale n’emporte pas l’existence d’une condamnation dans le chef de son bénéficiaire. La transaction pénale ne constitue pas non plus une décision ayant force de chose jugée. Un soumissionnaire qui a conclu une transaction pénale ne pourra donc pas être exclu obligatoirement d’un marché public par l’adjudicateur pour les motifs listés aux points 1° à 6° de l’article 67 précité.

 

Les motifs d’exclusion facultatifs. L’article 69 de la loi du 17 juin 2016 relative aux marchés publics vise les hypothèses dans lesquelles l’adjudicateur peut exclure un soumissionnaire de l’accès à un marché public, sans y être obligé.

 

L’existence de motifs d’exclusion est, dans un premier temps, vérifiée au regard des seules déclarations faites par le soumissionnaire dans son offre. Si le soumissionnaire vient, dans un second temps, à être retenu par l’adjudicateur pour l’attribution du marché, il doit alors fournir les documents qui démontrent l’authenticité de ses déclarations, et notamment un extrait de casier judiciaire.

 

La conclusion d’une transaction pénale n’est pas mentionnée dans l’extrait de casier judiciaire. Comme mentionné ci-avant, cette information est uniquement enregistrée au casier judiciaire central, qui n’est accessible aux autorités administratives que pour des fins spécifiques et légalement organisées. Les vérifications liées à l’attribution de marchés publics ne figurent pas parmi les fins spécifiques permettant à une administration d’avoir accès au casier judiciaire central.

 

L’adjudicateur ne pourra donc pas, à la lecture de l’extrait du casier judiciaire du soumissionnaire, savoir que celui-ci se trouve potentiellement dans le cadre d’un motif d’exclusion facultatif.

 

Les conséquences concrètes. La transaction pénale est donc particulièrement discrète vu qu’elle n’est pas mentionnée dans l’extrait de casier judiciaire qui devra être produit en fin de procédure de passation, et ce alors que la transaction pénale pourrait étayer l’existence dans le chef du soumissionnaire d’un motif d’exclusion facultatif (tel que, par exemple, une faute professionnelle grave ou un manquement aux obligations dans le domaine du droit social et du travail).

 

Il se pourrait donc que l’adjudicateur ne soit jamais au courant du fait que le soumissionnaire a conclu une transaction pénale et se trouve dans un des cas d’exclusion facultative. Si toutefois l’adjudicateur venait à être informé par un autre biais de l’existence d’une transaction pénale, sans que le soumissionnaire ne lui ait transmis cette information, il pourrait considérer que le fait pour le soumissionnaire d’avoir omis de mentionner l’existence de cette transaction justifie une exclusion pour fausses déclarations (cf. article 69,8° précité).

 

Pour éviter ce risque, le soumissionnaire qui a conclu une transaction pénale pourrait l’annoncer, d’initiative, à l’adjudicateur en explicitant l’objet de ladite transaction tout en prouvant à l’adjudicateur qu’il a pris des mesures correctrices suffisantes pour démontrer sa fiabilité (cf. article 70 de la loi du 17 juin 2016 relatives aux marchés publics).

 

En l’annonçant, le soumissionnaire prend tout de même le risque que l’adjudicateur estime que les mesures correctrices prises sont insuffisantes et l’écarte pour un motif d’exclusion facultatif.

 

 

Pour toute question concernant cette thématique, nous vous invitons à contacter les auteurs Christine Molitor  et Lea Trefon.

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