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Préparez-vous au DAC 6

Droit des entreprises

18 décembre 2019


A la dernière minute, le Parlement a transposé en droit national[1] la directive européenne 2018/822 du 25 mai 2018 "modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration", mieux connue sous le nom de directive "DAC 6". Le législateur avait jusqu'au 31 décembre 2019.

La directive devrait permettre aux administrations fiscales d'identifier les pratiques fiscales potentiellement agressives. Cela se fait au moyen d'un système d'échange automatique d'informations sur les dispositifs transfrontières. Concrètement, cela signifie que les contribuables concernés et leurs intermédiaires (conseillers) seront tenus de « dénoncer » ces dispositifs auprès des autorités fiscales.

La nouvelle loi modifiera le Code des impôts sur les revenus, le Code des droits et taxes divers, le Code des droits de succession et le Code des droits d'enregistrement, d’hypothèque et de greffe

Dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration

D'une manière générale, le concept s'inscrit dans les structures de planification fiscale qui transfèrent les bénéfices imposables vers des régimes fiscaux plus favorables ou qui réduisent la charge fiscale globale d'un contribuable.

La directive européenne a délibérément défini de manière vague les dispositifs transfrontières soumises à l'obligation de déclaration. Le législateur belge a suivi cette tendance puisque les concepts de "dispositif" et de "planification fiscale agressive" sont tous deux des concepts évolutifs en soi et ne peuvent donc pas être pris en compte dans une définition définie.

Les "caractéristiques" peuvent être divisées en cinq catégories :

  • La catégorie A contient des marqueurs généraux qui reviennent souvent dans les structures d’évasion fiscale, telles que les clauses de confidentialité, les documents normalisés et les indemnités qui dépendent de l’avantage fiscale que procure le dispositif. Il doit être démontré que l’avantage principal ou l'un des avantages principaux que l'on peut raisonnablement attendre d'un dispositif, compte tenu de tous les faits et circonstances pertinents, est d'obtenir un avantage fiscal (le "critère de l’avantage principal") ;
  • La catégorie B contient des éléments techniques qui sont souvent présents dans les dispositifs établis pour éluder l’impôt, comme la vente d'une société déficitaire, les revenus convertis en capital, les transactions circulaires, etc. Ces caractéristiques spécifiques sont également liées à un "critère de l’avantage principal" ;
  • La catégorie C contient les marqueurs spécifiques qui sont en lien avec des transactions transfrontières, telles que des paiements transfrontaliers déterminés, la même déduction dans plus d'un pays, des paiements entre des entreprises liées.... ;
  • La catégorie D contient des marqueurs spécifiques visant à contourner l'obligation de déclaration impliquant un échange automatique d'informations sur les comptes financiers dans le cadre d'un échange automatique de renseignements au niveau international et à des fins fiscales ;
  • La catégorie E contient les marqueurs spécifiques liées aux prix de transfert, comme un dispositif avec un transfert d'actifs incorporels difficiles à évaluer.

Caractère transfrontière

Il convient de souligner que seules les dispositifs à caractère transfrontière sont soumises à l'obligation de déclaration. Les dispositifs purement internes ne sont donc pas visés par cette loi.

Le dispositif doit impliquer soit plus d'un État membre de l'UE, soit un État membre et un pays tiers, où au moins l'une des conditions suivantes est remplie :

  • tous les participants au dispositif ne sont pas résidents à des fins fiscales dans la même juridiction ;
  • un ou plusieurs des participants au dispositif sont résidents à des fins fiscales dans plusieurs juridictions simultanément ;
  • un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans cette juridiction, le dispositif constituant une partie ou la totalité de l’activité de cet établissement stable;

Prêt à l'emploi vs. sur mesure

Le législateur fait une distinction selon que le dispositif est proposé prêt à l'emploi (« dispositif commercialisable ») ou sur mesure (« dispositif sur mesure »).

Un « dispositif commercialisable » est un dispositif conçu à l'avance qui est proposé par des intermédiaires, sans avoir besoin d’être adapté de façon importante pour sa mise en œuvre. Même si une personnalisation est nécessaire, le système est toujours le même. Ceci est défini séparément parce que l'intermédiaire doit faire rapport périodiquement sur les dispositions commercialisables qu'il propose.

A côté des « dispositifs commercialisables », il y a les « dispositifs sur mesure », où l’ingénierie fiscale est ici effectivement utilisée pour concevoir un dispositif transfrontière ou pour l’ajuster substantiellement.

Participant et intermédiaire

Étant donné que l' « intermédiaire » est le principal devant faire l’objet d’une déclaration, il est important de faire la distinction entre ceux qui participent au dispositif et ceux qui n’y participent pas. Un intermédiaire n'est en principe pas un participant ou, comme le définit la loi, un « contribuable concerné », car ce dernier est censé jouer un rôle actif. Un intermédiaire est défini par la loi comme une personne qui conçoit, propose, met en place un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, le met à disposition aux fins de sa mise en œuvre ou en gère la mise en œuvre. La personne qui fournit de l'aide directement ou indirectement et qui devrait être au courant du dispositif est également visée. Dans un premier temps, il s'agit de l'avocat, du conseiller fiscal et des professions du chiffre. En revanche, un intermédiaire qui, par exemple, traite uniquement une facture à des fins comptables, sans s’impliquer davantage dans le dispositif visé, ne peut être considéré comme devant faire l’objet d’une déclaration. Les considérations générales et les analyses de risque, telle que, par exemple, la simple exécution d’un due diligence en cas d’un rachat, ne rendent pas non plus le conseiller comme devant faire l’objet d’une déclaration.

La notion de « contribuable concerné » désigne toute personne qui d’une manière ou d’une autre utilise ou utilisera à l’avenir un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration.

Obligation de déclaration

L'obligation de déclarer ces dispositifs agressifs s'applique en premier lieu aux intermédiaires. Le devoir d’information est applicable à chaque intermédiaire et à chaque dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration dont l’intermédiaire a la connaissance, la détention ou le contrôle. Toutefois, un intermédiaire n’a pas d’obligation de recherche active. En outre, un conseiller qui donne un « second avis » sur un dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, tel que soumis pour avis, sans que ce second avis ne suggère ou ne modifie le dispositif susmentionné, ne sera pas considéré comme un intermédiaire sur cette base.

L’obligation de déclaration s’applique également lorsque l’intermédiaire fournit une aide une assistance ou un conseil, que ce soit directement ou par l’intermédiaire d’autres personnes.

Dans le cas où plusieurs intermédiaires sont concernés par le même dispositif, en principe, ils sont tous tenus de respecter leur obligation de déclaration, sauf s’ils peuvent prouver au moyen d’une preuve écrite que les informations ont déjà été fournies par un autre intermédiaire.

S'il n'y a pas d'intermédiaire, l’obligation de déclaration incombe au contribuable concerné lui-même.

Ils devraient fournir une série d'informations, telles que l'identification de l'intermédiaire et/ou du contribuable concerné, un résumé du contenu du dispositif transfrontière devant faire l’objet d’une déclaration, des informations détaillées sur le dispositif, la date à laquelle la première étape de la mise en œuvre a été accomplie ou sera accomplie et les États membres affectés.

La manière exacte dont les formalités doivent être accomplies (par exemple, les formulaires à utiliser), sera précisée par décret royal.

Délais

L'intermédiaire, et le contribuable concerné en l'absence d'intermédiaire, doit faire la déclaration dans un délai de 30 jours à compter du jour où un dispositif est mis à disposition pour la mise en œuvre, prête à être mis en œuvre ou de la première étape de mise en œuvre du dispositif précité.

Si l'intermédiaire travaille avec des dispositifs commercialisables, il est tenu d'établir tous les trois mois un rapport périodique sur les nouvelles informations concernant ces dispositifs.

Secret professionnel

La loi prévoit également une procédure pour les intermédiaires qui, pour des raisons de secret professionnel, ne peuvent pas déposer de déclaration. Il s'agit en premier lieu des avocats, des notaires et de certaines professions du chiffre. Dans ce cas, les intermédiaires doivent informer par écrit les autres intermédiaires ou le contribuable, en indiquant leurs raisons, qu'ils ne sont pas en mesure de respecter l'obligation de déclaration. L'obligation de déclaration incombe alors aux autres intermédiaires ou au contribuable, à moins que ce dernier ne permette toujours par écrit à l'intermédiaire de se conformer à l'obligation de déclaration.

Curieusement, l'intermédiaire ne peut invoquer aucun secret professionnel ou exemption de l'obligation de déclaration trimestrielle dans le cas de dispositifs commercialisables. Le législateur considère que cette obligation ne peut être transférée à un contribuable, car il ne dispose pas des informations nécessaires pour effectuer cette déclaration.

Il va sans dire que cela posera des problèmes et des difficultés d'interprétation pour les intermédiaires en question, en particulier pour ceux qui sont liés par le secret professionnel, qui est ancré par la loi et sanctionné par le droit pénal (article 458 du Code pénal). Il est donc recommandé, avant de procéder à tout rapport, de le soumettre à l’autorité de tutelle de son organisation professionnelle afin de vérifier le contenu et l’étendue de la déclaration. Ainsi, les intermédiaires peuvent s'assurer que la déclaration respecte les limites du secret professionnel.

Sanctions

Une distinction est faite entre les déclarations incomplètes et le fait de ne pas déclarer ou de déclarer tardivement:

  • Une déclaration incomplète sera sanctionnée d'une amende de 1.250,00 EUR à 12.500,00 EUR. En cas d’intention frauduleuse ou intention de nuire, une amende de 2 500 EUR à 25 000 EUR est infligée ;
  • Le fait de ne pas déclarer ou de déclarer tardivement sera sanctionné d'une amende de  5.000,00 à 50.000,00 euros. En cas d'intention frauduleuse ou d'intention de nuire, la pénalité sera de 12.500,00 EUR à 100.000,00 EUR.

Timing et actions

La loi entrera en vigueur le 1er juillet 2020. L'obligation de déclaration s'applique donc intégralement aux dispositifs dont la première étape est mise en œuvre à partir de ce moment.

La loi prévoit également une application rétroactive à compter du 25 juin 2018. Les dispositifs dont la première étape a été mise en œuvre entre cette date et le 1er juillet 2020 doivent donc également être déclarés. Les intermédiaires et les contribuables ont jusqu'au 31 août 2020. Le législateur prévoit toutefois une politique de tolérance limitée dans ces cas et stipule que les sanctions susmentionnées ne s'appliqueront pas si les déclarations sont finalement faites avant le 31 décembre 2020.

[1] Loi du 12 décembre 2019 transposant la directive (UE) 2018/822 du Conseil du 25 mai 2018 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l'échange automatique et obligatoire d'informations dans le domaine fiscal en rapport avec les dispositifs transfrontières devant faire l’objet d’une déclaration.

Pour de plus amples informations à ce sujet, veuillez consulter Laurence D'huyvetter.

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