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Paiements sélectifs par l’administrateur d'une entreprise en difficulté. L’administrateur jouit-il d'une liberté de choix ou y a-t-il des risques ?

Droit des entreprises

L’administrateur d'une entreprise en difficulté est confronté à des choix difficiles. Lorsque, à un moment donné, il n'est pas possible de payer toutes les dettes échues, il décidera souvent - afin d'assurer la continuité de l'entreprise - de payer en priorité les créanciers qui peuvent mettre en péril la continuité de l'entreprise (par exemple les travailleurs, certains fournisseurs essentiels ou les bailleurs commerciaux), plutôt que les autres. Les dettes commercialement neutres, telles que les dettes fiscales et de sécurité sociale, sont souvent les grandes perdantes de ces situations.

25 janvier 2021


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En principe, un paiement sélectif est autorisé. En dehors d'une situation de concurrence, un débiteur a le droit de déterminer quelles sont les dettes échues qui sont payées et celles qui ne le sont pas. Toutefois, lorsque l'entreprise est en difficulté, les paiements sélectifs des administrateurs ne sont pas sans risque.

Nous donnons ci-dessous un bref aperçu d'un certain nombre de catégories de dettes pour lesquelles l’administrateur doit être particulièrement vigilant - tant en cas de paiement (cf. points 1 à 3) qu'en cas de non-paiement (cf. point 4) :

  • Paiement de la rémunération des administrateurs : en principe, un administrateur reste en droit de se rémunérer lui-même, même lorsque l'entreprise est en difficulté. Dans ces circonstances, cependant, une vigilance accrue est requise : l’administrateur doit (comme toujours) tenir compte de l'intérêt de la société. Quiconque agit comme si de rien n'était et continue à verser des salaires et des rémunérations sans prendre de mesures pour assurer la continuité de l'entreprise et optimiser sa situation, commet une erreur au sens de l'article 1382 du code civil.

  • Paiement de créances non-échues : l’administrateur d'une entreprise en difficulté qui décide de payer des créances non-échues (que ce soit à lui-même ou à une entité affiliée) prend un grand risque. Si l’entreprise est ensuite déclarée en faillite, ce paiement peut être contesté par le curateur sur la base de l'article XX.111, 2° CDE. Pour cela, le curateur doit seulement démontrer que (i) le paiement a été effectué pendant la période suspecte et (ii) que la créance n'était pas encore due et exigible. Un paiement effectué dans ces circonstances est présumé avoir porté préjudice à la masse. Le curateur n'a donc pas à fournir cette preuve. Toutefois, le créancier contre lequel le curateur dépose une plainte d'inopposabilité peut prouver le contraire. En outre, l’inopposabilité n'exclut pas que le syndic puisse tenir l’administrateur responsable des dommages causés par sa faute.

  • Le paiement de dettes échues avec préjudice frauduleux aux droits des créanciers : le paiement d'une dette échue peut constituer une action paulienne. C'est le cas lorsque l’administrateur effectue le paiement en portant frauduleusement atteinte aux droits d'un (ou plusieurs) créancier(s). Pour pouvoir parler de préjudice, il est nécessaire que les moyens de recours des créanciers soient entravés. Ce préjudice peut prendre trois formes : (i) l'appauvrissement (par exemple, un don), (ii) le changement de rang (par exemple, l'octroi d’une sûreté réelle pour une dette existante) et (iii) l'empêchement effectif des moyens de recours des créanciers (par exemple, le transfert de biens facilement saisissables). Avant une situation de concours, seul un créancier individuel peut contester le paiement via l’action paulienne (article 1167 du code civil). Dès qu'une situation de concours de créanciers se présente (lire : faillite), le curateur a la compétence exclusive d'invoquer l'action paulienne à la faillite (art. XX.114 CDE) afin de faire déclarer le paiement inopposable à la masse. À cette fin, le curateur doit prouver que le paiement était anormal et que le débiteur savait, au moment du paiement contesté, qu'il serait préjudiciable aux intérêts des autres créanciers. Là encore, cette inopposabilité n'exclut pas que le curateur poursuive l’administrateur comme responsable de l'acte paulien sur la base de l'article 1382 du code civil.

  • Non-paiement des dettes fiscales et de sécurité sociale :

    • En raison du non-paiement des dettes fiscales (précompte professionnel et TVA), l’administrateur court le risque d'être tenu solidairement responsable du paiement de ces dettes (article 51 du Code du recouvrement).

    • L'administrateur qui ne paie pas les cotisations de sécurité sociale risque, en cas de faillite ultérieure de la société, d'être tenu personnellement et solidairement responsable de tout ou partie des cotisations de sécurité sociale dues au moment de la faillite (article XX.226 CDE). Cela suppose qu’il ait été impliqué, en tant qu'administrateur, dans au moins deux faillites ou liquidations de sociétés au cours d'une période de cinq ans précédant la faillite, pour lesquelles les dettes envers un organisme de recouvrement de la sécurité sociale sont restées impayées.

Le paiement sélectif par un administrateur d'une entreprise en difficulté n'est donc pas sans risque. Un administrateur averti en vaut deux. Même les choix les mieux intentionnés peuvent confronter un administrateur à des surprises très désagréables. Des conseils opportuns peuvent éviter bien des dommages. À l'inverse, bien sûr, l'attente n'est pas une option pour les créanciers qui ont vent que leur débiteur, par nécessité, ne paie que de manière sélective.

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