sr.search

L’écocide en tant que crime de droit international dans le nouveau Code pénal : une nouvelle arme contre les pollueurs ?

Droit de l’environnement

Le 4 novembre dernier, le Gouvernement fédéral a conclu un accord sur la réforme du Livre 2 du Code pénal. Cette réforme sanctionne de nouvelles formes de criminalité comme notamment l’écocide qui se voit qualifié de crime de droit international. La Belgique est ainsi l’un des premiers pays de l’Union européenne à inclure cette notion dans le droit pénal national.

17 novembre 2022


Contact

Origine et définition

Le terme « écocide » a été introduit en 1970 par le biologiste américain A. W. Galston pour décrire l’utilisation de la substance toxique appelée « Agent Orange » par l’armée américaine lors de la guerre du Vietnam. De vastes étendues de forêt tropicale ont ainsi été détruites et l’utilisation de l’Agent Orange est aujourd’hui encore à l’origine de problèmes de santé au sein de la population vietnamienne.

La criminalisation de l’écocide doit être envisagée dans le contexte de la criminalité environnementale. L’écocide peut être défini comme la destruction délibérée et permanente de l’environnement, qui doit être considérée comme la variante écologique du génocide. Parmi les exemples modernes d’écocide, citons la fuite de la plate-forme Deepwater Horizon en 2010, l’exploitation minière des fonds marins et la déforestation massive de la forêt amazonienne.

Crime de droit pénal international ?

Depuis un certain temps déjà, des parties prenantes militent pour que la Cour pénale internationale de La Haye adopte une loi internationale sur l’écocide et le criminalise. En Belgique aussi, des groupes d’intérêt font pression depuis un certain temps pour que l’écocide soit inscrit dans le Code pénal. Vers le milieu de 2021, la Fondation Stop Ecocide, composée de 12 juristes originaires notamment d’Angleterre, du Sénégal, de Samoa et des États-Unis, a rédigé un projet de loi visant à sanctionner pénalement les crimes contre l’environnement et donnant une définition de l’« écocide » afin que les crimes climatiques puissent être punis. L’objectif étant que la loi soit adoptée par la Cour pénale internationale dans un avenir proche.

S’il n’existe pas encore de loi internationale sur l’écocide, elle peut néanmoins engendrer une législation nationale sur l’écocide. Les pays suivants ont déjà précédé la Belgique : le Vietnam (ce qui n’est peut-être pas surprenant), la Géorgie, l’Arménie, l’Ukraine, le Belarus, la Russie, la Moldavie, le Kazakhstan, le Kirghizstan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan et, depuis le début de l’année dernière, la France. Le Parlement européen a par ailleurs également marqué son intérêt.

Écocide en Belgique

L’« écocide » est l’une des nouvelles formes de criminalité que la réforme du Livre 2 du Code pénal vise à criminaliser en Belgique. Selon le communiqué de presse du 5 novembre 2022, disponible sur news.belgium.be « Est défini comme crime d’écocide, tout crime consistant à commettre délibérément un acte illégal qui cause des dommages graves à grande échelle et durables à l’environnement en sachant que ces dommages sont causés par l’acte ». Ce crime est passible d’une peine d’emprisonnement de 10 à 20 ans.

L’écocide vise à punir sévèrement les dommages environnementaux transrégionaux ou nationaux. Dans l’émission de télévision flamande « De afspraak », le ministre de la Justice Vincent Van Quickenborne a d’ores et déjà indiqué dans ce contexte qu’il devait nécessairement y avoir un lien avec la Belgique pour poursuivre une entreprise, un individu ou un gouvernement pour écocide. Il peut s’agir d’une entreprise belge qui pollue l’environnement à l’étranger sur une grande échelle ou d’une pollution qui a un impact sur notre pays.

Le ministère de la Justice ne souhaite pas divulguer le texte pour l’instant. Il faudra probablement encore attendre jusqu’au début de l’année 2023, car les textes doivent d’abord être soumis pour avis au Conseil d’État, section du contentieux administratif, puis être transmis au Conseil des ministres avant d’arriver devant le Parlement. Il est en outre possible que des modifications soient encore apportées au cours du processus législatif.

Une définition juridique de l’écocide n’est donc pas attendue dans l’immédiat. La définition la plus récente est reprise à l’article 3 du projet de loi visant à inclure le crime d’écocide dans le Code pénal, qui a été déposé à la Chambre le 1er décembre 2021 (Doc. Parl., Chambre, 2021-2022, n° 55-2356/001.) : « Constituent des crimes, les écocides, qu’ils soient commis en temps de paix ou en temps de guerre, délibérément, ou par défaut grave de prévoyance ou de précaution. Le crime d’écocide s’entend d’actes illicites ou arbitraires commis en connaissance de la réelle probabilité qu’ils causent à l’environnement des dommages graves qui soient étendus ou durables. » Dans cette disposition, l’écocide est passible d’une sanction de 20 à 30 ans d’emprisonnement, pouvant aller jusqu’à la prison à vie si l’acte entraîne la mort d’une ou plusieurs personnes. Dans le projet de loi du Gouvernement fédéral, la peine serait de 10 à 20 ans. En outre, le projet viserait également (uniquement) « tout crime consistant à commettre délibérément un acte illégal qui cause des dommages graves à grande échelle et durables à l’environnement en sachant que ces dommages sont causés par l’acte », alors qu’il serait aussi question, dans le projet de loi, d’un « défaut grave de prévoyance ou de précaution ». Le projet de loi du Gouvernement fédéral semble plus modéré à cet égard. Quoi qu’il en soit, nous devrons attendre la publication des textes du projet de loi et nous ne saurons, en définitive, qu’après son approbation finale par la Chambre, ce qu’il faut entendre concrètement par écocide et quelles sanctions seront applicables en cas d’infraction.

Intérêt de la pénalisation de l’écocide en Belgique

L’introduction de l’écocide en tant que crime de droit international dans le nouveau Code pénal offrira-t-elle un nouvel instrument juridique pour poursuivre la pollution environnementale ? Il existe actuellement déjà tout un arsenal d’instruments juridiques contre les pollueurs. Des procès climatiques ont également été intentés avant qu’existe une législation sur l’écocide. Ceux-ci étaient fondés sur le devoir de vigilance du gouvernement envers les citoyens. Nous disposons aujourd’hui déjà de réglementations environnementales très étendues, ainsi que d’instruments permettant de les faire respecter. La protection de l’environnement est réglementée au niveau régional. En Flandre, les activités les plus nocives pour l’environnement sont soumises à l’obtention de permis, notamment dans le but de prévenir et de limiter la pollution de l’environnement. Toute violation de l’obligation de permis et/ou des réglementations environnementales est passible de sanctions. Des sanctions qui peuvent être de nature pénale ou administrative, étant entendu que des sanctions pénales et administratives ne peuvent être imposées simultanément pour la même infraction (il s’agit du principe dit « ne bis in idem »). Le juge peut également imposer des mesures de réparation.

 

 

L’introduction de l’écocide dans le Code pénal ne présente-t-elle alors aucune valeur ajoutée ? Nous serions plus mesurés dans nos propos. L’écocide a la particularité de permettre au parquet d’engager des poursuites même en l’absence de dommages causés à l’être humain. Actuellement, en Belgique, les auteurs de dommages environnementaux ne peuvent être condamnés au civil qu’à une peine de réparation pour autant qu’il soit également démontré que des personnes physiques en ont été affectées.

En pénalisant l’écocide, la Belgique envoie également un signal important en tant que pionnier de la reconnaissance de l’écocide en tant que crime sur le plan international. Comme déjà indiqué, la Belgique n’est au demeurant pas le premier pays à introduire l’écocide dans son droit pénal national. Plus les pays qui adoptent une loi sur l’écocide seront nombreux, plus nous nous rapprocherons d’une reconnaissance internationale de l’écocide en tant que crime. Le but ultime étant de pouvoir saisir la Cour pénale internationale des affaires d’écocide.

Comme déjà indiqué, les textes ne devraient en toute vraisemblance être publiés qu’au printemps 2023. L’entrée en vigueur du nouveau Code pénal est prévue pour 2025. Nous continuerons, dans l’intervalle, de suivre les avancées de ce dossier.

Pour toute question concernant cette thématique, nous vous invitons à consulter l’auteure de cet article, Céline Bimbenet (Département Droit de l’environnement).

Corporate Social Responsibility

Lire plus

Vacatures

  • Avocats 11
  • Staff
Lire plus