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Le coronavirus : le licenciement pendant la crise du Coronavirus est-il vraiment moins cher ?

Droit du travail

07 mai 2020


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Consultez notre page "assistance COVID-19" ou contactez Sara Cockx et Evi Dieltiens.

Il y a eu pas mal d'agitation dernièrement sur le fait que le licenciement des travailleurs dans le cadre de la crise actuelle du coronavirus serait "moins cher" pour les employeurs, plus précisément en raison des conséquences du système de chômage temporaire pour cause de force majeure.

Il est vrai que le coût du licenciement peut être inférieur pour l'employeur s'il s'agit d'un licenciement avec préavis pour un travailleur en chômage temporaire "corona". Mais cela mérite une certaine nuance.

Distinction entre le chômage temporaire dû à un cas de force majeure ou à des raisons économiques

Lorsqu'un employeur souhaite mettre fin au contrat de travail d'un travailleur (sauf dans des cas exceptionnels tels qu'une raison urgente, un cas de force majeure, etc.), il peut le faire de deux manières : soit au moyen d’un délai de préavis, soit avec effet immédiat et en payant une indemnité de licenciement correspondant à la durée du préavis.

En cas de licenciement avec préavis, celui-ci est, en principe, suspendu par les interruptions du contrat de travail prévue par la loi, comme la maladie ou les vacances. En d'autres termes, le délai de préavis ne court pas pendant la suspension et est donc prolongé.

Les périodes de chômage temporaire font, en principe, également partie des motifs légaux de suspension. Toutefois, une règle différente s'applique au chômage temporaire pour cause de force majeure - qui est maintenant fréquemment invoqué à la suite de la crise du coronavirus, en partie en raison de la "procédure corona" simplifiée. 

  • En cas de chômage temporaire pour raisons économiques, la règle générale s'applique et le délai de préavis ne peut pas commencer ou se poursuivre pendant la suspension. Ainsi, le délai de préavis ne court pas pendant la période de chômage temporaire pour raisons économiques.
  • Toutefois, le chômage temporaire pour cause de force majeure ne constitue pas une suspension légale de la période de préavis. Par conséquent, le délai de préavis n'est pas suspendu dans ce cas et peut simplement commencer ou se poursuivre pendant les périodes de chômage temporaire.

Par conséquent, le coût du licenciement pour l'employeur sera effectivement moindre, puisque la partie du délai de préavis qui coïncide avec le chômage temporaire n'est pas à la charge de l'employeur. Après tout, les travailleurs reçoivent une allocation de l'ONEM pendant cette période.

Bien que les syndicats craignent les "abus", cette situation n'est qu'une conséquence de la législation actuelle et ne peut donc pas être imputée aux employeurs. Seule une modification de la loi sur les contrats de travail (dans laquelle les motifs de suspension du délai de préavis sont énumérés de manière exhaustive) pourrait changer cette situation.

En revanche, en cas de licenciement avec effet immédiat et de versement d'une indemnité de rupture, les frais de licenciement de l'employeur ne seront pas plus bas. Dans ce cas, il n'y a pas de délai de préavis à respecter et l'indemnité de rupture est immédiatement due, calculée sur le salaire actuel au moment du licenciement. Le fait que le travailleur soit en chômage temporaire à ce moment-là n'aura aucune incidence sur ce point.

ATTENTION : Le 29 avril 2020, une proposition de loi a été soumise pour “régulariser” cette situation en ce sens que même le chômage temporaire dû à un cas de force majeure COVID-19 pour la période du 1er mars 2020 au 30 juin 2020 (c’est-à-dire rétroactivement) suspendrait le délai de préavis. La proposition de loi a déjà été approuvée par la Commission Affaires sociales de la Chambre et est actuellement en attente d’une adoption finale par la Chambre des représentants. Voir également notre bulletin d’information « Le législateur fermera bientôt la « porte de sortie » du licenciement pendant la crise du Coronavirus, avec effet rétroactif ». Nous suivrons cela de près et nous vous informerons si la loi est adoptée.

Risque de licenciement manifestement déraisonnable

Les employeurs qui considèrent le régime favorable susmentionné comme une échappatoire pour licencier leurs travailleurs de manière financièrement favorable - ce qui constitue probablement un soutien nécessaire pour les entreprises en difficulté - ne doivent pas traiter ce régime à la légère. Un licenciement moyennant un délai de préavis peut être plus avantageux pour l'employeur en temps de crise, mais les risques de contestation du licenciement par le travailleur se font attendre au tournant :

(1) Tout d'abord, l'employeur doit encore disposer de motifs de licenciement valables et démontrables afin que le licenciement ne soit pas qualifié de licenciement manifestement déraisonnable au sens de la convention collective n° 109. En effet, cette CCT exige que le licenciement soit motivé par des raisons qui sont (1) soit liées à la conduite ou à l'aptitude du travailleur ; (2) soit fondées sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise. Si un employeur normal et raisonnable dans les mêmes circonstances n'aurait jamais décidé le licenciement, l'employeur risque de devoir payer une indemnité comprise entre 3 et 17 semaines de salaire.

Bien que "les nécessités de fonctionnement de l'entreprise" pendant cette crise du coronavirus semblent être un motif de licenciement facile à invoquer, une certaine prudence s'impose.  Étant donné que le gouvernement prévoit un grand nombre de mesures pour permettre aux entreprises de surmonter la crise (par exemple, la "procédure corona" pour le chômage temporaire, d'autres mesures de soutien aux entreprises, etc.), il sera d'autant plus nécessaire pour un employeur de prouver que le licenciement, même avec ces mesures de soutien, était nécessaire dans le cadre des nécessités de l'entreprise. Il sera difficile d'utiliser la crise du coronavirus en soi comme prétexte pour un licenciement. En effet, la crise n'étant que temporaire, il ne semble pas y avoir de raison de résilier le contrat de travail pour cette seule raison. Il convient donc de démontrer concrètement pourquoi le licenciement du travailleur était nécessaire (comme, par exemple, une diminution substantielle ou permanente du chiffre d'affaires qui ne peut être compensée par les mesures prises par le gouvernement, ou des motifs de licenciement liés à la conduite ou à l'aptitude du travailleur).

(2) En outre, vous ne pouvez pas licencier des travailleurs en raison de leur état de santé actuel ou futur, ce qui constituerait une violation des lois générales antidiscriminatoires permettant au travailleur de réclamer des dommages et intérêts. Toutefois, cette indemnité ne peut être cumulée avec l'indemnité pour licenciement manifestement abusif.

La prudence s'impose donc lors du licenciement d'un travailleur qui est actuellement atteint par le virus. Dans ce cas, vous devrez être en mesure de prouver un licenciement indépendant de l'état de santé du travailleur.

***

Pour résumer : en cas de licenciement d'un travailleur en chômage temporaire avec un préavis à respecter, le coût du licenciement pour l'employeur sera en effet moindre. En revanche, ce n'est pas le cas pour un licenciement avec effet immédiat et l'employeur devra toujours être en mesure de justifier sa décision sur la base des nécessités de l'entreprise ou de la conduite ou de l'aptitude du travailleur.

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