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Le bail étudiant en Région wallonne : les quelques surprises de la rentrée

Droit du bail (à loyer)

Récemment, la Gouvernement wallon a soumis un nouveau projet de décret au Parlement wallon. Celui-ci modifie de manière substantielle certaines dispositions du décret wallon du 15 mars 2018 relatif au bail d’habitation. Sont plus particulièrement visées les dispositions relatives au bail étudiant et à la garantie locative.

19 mai 2023


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Il apparaît de ce projet de décret que le Gouvernement wallon entendait le faire entrer en vigueur au 1er juin 2023. Toutefois, dans la mesure où, à l’heure d’écrire ces lignes, ce projet n’a pas encore été soumis au vote du Parlement, il est assez probable que son entrée en vigueur soit reportée. Précisons d’emblée que bien que le processus législatif soit déjà bien engagé, il reste possible au législateur de modifier le projet de décret avant son vote.

Cela étant, une première lecture du projet soulève déjà les quelques questions suivantes relatives à son entrée en vigueur, la qualité d’étudiant, la garantie locative, la résidence principale du preneur et la fin du bail étudiant.

1.    Entrée en vigueur

A titre liminaire, il convient de préciser d’emblée que ce projet de décret a finalement été voté au Parlement le 17 mai 2023 en l’état. Bien que l’ensemble des observations qui suivent portaient sur le projet de décret avant son vote, elles restent bien applicables au décret tel que voté. Compte tenu de la date de son vote, le nouveau décret entrera finalement bel et bien en vigueur le 1er juin 2023.

Le premier bémol porte sur l’absence de clarté quant à l’entrée en vigueur du décret. A-t-il pour objectif de s’appliquer dès son entrée en vigueur à tous les baux étudiants ou uniquement au baux étudiants conclus après celle-ci ? Qu’en est-il en cas de reconduction du bail après l’entrée en vigueur du décret ? Ou encore de la modification du bail par le juge après l’entrée en vigueur du décret ? Ces éléments, ont-ils pour effet de soumettre le bail étudiant conclu avant l’entrée en vigueur du décret aux dispositions du nouveau décret ?

Immanquablement, ce silence mènera à de nombreuses discussions … A défaut de précision du législateur, l’ensemble de ces questions devront, semble-t-il, être réglées par les juridictions du Sud du pays.

2.    La qualité d’étudiant

Le preneur étudiant demeure tenu de démontrer sa qualité d’étudiant au bailleur. Le délai pour ce faire est néanmoins porté à six mois, au lieu de trois précédemment. L’objectif de cette modification est de permettre aux étudiants étrangers de bénéficier de davantage de temps afin de prouver leur qualité d’étudiant.

Parallèlement à cette extension de délai, le défaut d’apport de preuve de la qualité d’étudiant du preneur endéans le délai de six mois ne sera plus systématiquement sanctionné par l’application, au bail étudiant, du régime juridique du bail d’habitation de droit commun. En effet, le législateur wallon a décidé de laisser au juge saisi d’un recours le soin de qualifier le bail en fonction de la qualité des parties, sans avoir égard au respect des délais imposés.

Des délais dont le défaut de respect n’est pas sanctionné ne présentent pas de grande utilité en pratique. Partant, ce défaut de sanction conduit, en somme, à une certaine insécurité juridique pour les parties, qui ne sont pas en mesure de connaître, avant la naissance d’un litige, le régime juridique qui s’appliquera à leur relation contractuelle… L’application du régime du bail d’habitation de droit commun aux baux étudiants dans le cadre desquels l’étudiant n’avait pas prouvé sa qualité d’étudiant endéans les délais légaux était une sanction efficace permettant à toutes les parties de savoir, avant tout litige, le régime juridique qui leur serait applicable. Rien n’interdisait au législateur wallon d’étendre le délai tout en conservant la sanction préexistante.

3.    La garantie locative

Ici, la modification envisagée pour la garantie locative impacte tant le bail de résidence principale que le bail étudiant. Plus particulièrement, quant au montant de la garantie locative, le régime du bail étudiant est, en effet, calqué sur le régime propre au bail de résidence principale.

Concrètement, le montant de la garantie locative sera, en tout état de cause, limité à deux moins de loyer et ce, sans avoir égard au mode de constitution de celle-ci.

Cette modification marquera une nette différence entre les trois régions du pays. En effet, en Flandre, le montant de la garantie locative est, en toutes hypothèses, limité à trois mois de loyers et à Bruxelles, le montant de la garantie locative varie de deux à trois mois de loyers en fonction du mode de constitution de celle-ci.

4.    La résidence principale de l’étudiant

Actuellement, il est possible pour les parties d’exclure la faculté du preneur étudiant d’installer sa résidence principale au sein du logement loué. A compter de l’entrée en vigueur de ce nouveau décret, une telle clause sera, moyennant respect de certaines conditions bien précises, réputée non écrite.

Pour être valable, la clause excluant la faculté du preneur étudiant d’installer sa résidence principale au sein du logement loué doit :

-       Être appuyée par une justification expresse et sérieuse, relative notamment à la destination naturelle des lieux ;

-       Être accompagnée de l’indication de la résidence principale du preneur étudiant en cours de bail.

A défaut de remplir ces conditions, la clause sera réputée non écrite et le preneur pourra, s’il le souhaite, installer sa résidence principale au sein des lieux loués. Concrètement, cette installation sera de nature à, in fine, appliquer le régime du bail de résidence principale au bail étudiant…

5.    La fin du bail étudiant

Selon l’exposé des motifs, les modifications touchant à la fin du bail étudiant et notamment aux durées de préavis, sont motivées de la manière suivante : « Concernant la nécessité de notifier un congé un mois avant le terme du bail, à défaut de quoi ce dernier est réputé reconduit de manière tacite, il s’est avéré que cette disposition demeurait relativement méconnue et que sa bonne application demandait une charge de travail considérable, notamment aux établissements disposant d’un nombre important de logements. ».

Fort de ce constat, le Gouvernement wallon propose de supprimer purement et simplement l’obligation des parties de notifier leur volonté de mettre un terme au bail étudiant.

Sans préjudice de cette suppression, la nouvelle disposition décrétale prévoit tout de même que « Au terme de la durée d’un an, si l’étudiant continue à occuper les lieux sans opposition du bailleur, le bail est prolongé pour une durée d’un an aux même conditions, sans préjudice de l’indexation. ».

Par conséquent, bien qu’aucun délai ne doive plus être respecté, le bailleur restera tenu de notifier, de préférence par écrit, sa volonté de mettre un terme au bail étudiant. A défaut, il risque de se voir opposer une reconduction du bail.

Sur ce seul aspect, l’objectif affiché tendant à réduire la charge de travail des bailleurs professionnels semble déjà avoir été manqué.

6.    Premières conclusions

Au premier regard, il semble que l’ensemble de ces modifications aboutiront, certes, à un allègement des obligations du preneur étudiant (diminution du montant de la garantie locative, extension du délai pour démontrer sa qualité d’étudiant, absence de l’obligation de notifier sa volonté de mettre un terme au bail, extension du droit d’installer sa résidence principale, …), mais seront également de nature à alourdir la charge de travail des bailleurs (nécessité de mentions supplémentaires dans le bail et maintien de la tacite reconduction automatique). En outre, les questions soulevées plus haut (incertitudes quant au régime applicable (droit commun, bail étudiant, bail de résidence principale), incertitudes quant à l’application du régime aux baux en vigueur ou reconduits, …) risquent de conduire à une certaine insécurité juridique dont aucune des parties ne profitera.

Par conséquent, afin d’éviter ces tracas, le bailleur professionnel veillera, dès que possible, à adapter ses contrats de baux étudiants avant la rentrée académique prochaine. A défaut, les conséquences pourraient s’avérer assez imprévisibles…

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