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La LCE sur la sellette – Condamnation de l'État belge dans l'affaire Plessers

Droit du travail

Le 24 mars 2021, la Cour du Travail d'Anvers, division Hasselt, a rendu sa décision attendue de longue date dans l'affaire Plessers. La cour du travail a estimé que l'État belge était redevable d'un dédommagement (limité) à une travailleuse qui n'avait pas été reprise dans le cadre d'une procédure de transfert sous autorité de justice (ou « LCE 3 »), et plus particulièrement en raison de la perte d'une opportunité d'emploi pour cette travailleuse. Elle n'a toutefois droit à aucun dédommagement correspondant à son indemnité légale de préavis, a décidé la cour du travail.

21 avril 2021


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Rétroactes…

Dans une précédente Newsletter, nous expliquions déjà que notre législation LCE 3 prévoit que le cessionnaire d'une entreprise est en principe libre de choisir quels travailleurs il souhaite reprendre, pour autant que ce choix soit dicté par des motifs économiques, techniques ou organisationnels et sans différenciation interdite.

Madame Plessers était une salariée qui n'a pas été reprise par le cessionnaire dans le cadre d'une telle LCE 3. N'étant pas d'accord avec cette décision, elle a diligenté une procédure devant le tribunal du travail. Après avoir été déboutée en première instance, elle a interjeté appel devant la cour du travail qui a décidé de soumettre l'affaire à la Cour de Justice de l'Union européenne par le biais d'une question préjudicielle. La cour du travail souhaitait savoir si la règlementation LCE belge était bien conforme à la directive européenne 2001/23, qui règle les droits des travailleurs en cas de transfert d'entreprise.

Le verdict de la Cour de Justice de l'Union européenne est tombé en mai 2019. Elle estime que la règlementation belge ne respecte pas la directive européenne 2001/23. Selon cette directive, les contrats de travail doivent en principe être transférés automatiquement au cessionnaire. S'il souhaite malgré tout licencier certains travailleurs transférés, il ne pourra le faire que pour des motifs techniques, économiques ou organisationnels (et donc pas en raison du transfert de l'entreprise proprement dit). Une exception est prévue pour les entreprises engagées dans une procédure de faillite (ou dans une procédure similaire).

Selon la Cour, la LCE 3 belge n'est toutefois pas une telle procédure de faillite et ne répond pas non plus aux deux conditions générales de protection contre le licenciement. La Cour estime que le législateur belge n'a pas prévu de garanties suffisantes afin de protéger les travailleurs licenciés. La législation belge offre en effet uniquement le choix entre une reprise de travailleurs sur la base de motifs économiques, techniques ou organisationnels, alors que la directive européenne prévoit que les travailleurs peuvent uniquement être licenciés sur la base des motifs susmentionnés.

Arrêt de la cour du travail

Après cette décision de la Cour de Justice de l'Union européenne, la procédure a repris devant la Cour du Travail d'Anvers.

Étant donné la position de la Cour de Justice de l'Union européenne, Madame Plessers avait dans l'intervalle renoncé à sa demande à l'encontre du cessionnaire et ne dirigeait plus son action que contre l'État belge sur la base du dommage extracontractuel.

Pour pouvoir engager la responsabilité extracontractuelle de l'État belge, Madame Plessers devait pouvoir prouver une faute dans le chef de l'État belge, ainsi que son préjudice et un lien de causalité entre la faute et le dommage.

La Cour de Justice de l'Union européenne ayant confirmé que la LCE 3 belge n'était pas conforme à la directive, il n'y avait que peu de discussions concernant l'existence d'une faute commise par l'État belge.

Concernant son dommage, Madame Plessers a fait valoir que si l'État belge avait correctement transposé la directive, le cessionnaire aurait été obligé de la reprendre. C'est pourquoi elle réclamait à l'État belge un dédommagement estimé au montant de l'indemnité de préavis auquel elle aurait eu droit si elle avait été licenciée par son employeur.

La cour du travail n'a toutefois pas suivi ce raisonnement. La Cour a estimé que, quand bien même la directive aurait été transposée correctement, le cessionnaire n'aurait pas été tenu pour autant de reprendre Madame Plessers. La directive européenne prévoit en effet un droit de choix en faveur du repreneur même s'il introduit (voir supra) de meilleures garanties pour les travailleurs licenciés. La cour du travail n'a par conséquent pas accordé à Madame Plessers de dédommagement égal à son indemnité de préavis.

La cour du travail a en revanche estimé que la faute de l'État belge avait à tout le moins entraîné une perte d'opportunité d'emploi dans le chef de Madame Plessers. La cour du travail estime cependant cette opportunité très chichement, n'accordant à Madame Plessers qu'un dédommagement ex aequo et bono de 1.000,00 EUR.

Conclusion

L'arrêt de la cour du travail est peu surprenant en ce sens que la cour du travail est dans tous les cas tenue, en tant que juge national, par l'interprétation de la Cour de Justice de l'Union européenne. Il est néanmoins intéressant d'examiner les suites réservées par la cour du travail. 

La question est maintenant de savoir quand la LCE 3 sera adaptée. Tant que ce n'est pas chose faite, la responsabilité de l'État belge peut en effet être engagée sur la base d'une transposition fautive de la directive européenne. Comme l'a montré l'arrêt de la cour du travail, les conséquences de cette responsabilité restent toutefois plutôt négligeables… 

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