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La garantie bancaire: (pas) une garantie de paiement ?

Droit privé de la construction

Dans le climat économique actuel, une garantie bancaire peut être un instrument utile permettant aux acteurs de la construction d'obtenir une sécurité (financière) supplémentaire. C'est ainsi qu'un maître d'œuvre ou un entrepreneur pourra utiliser une garantie bancaire à l'égard d'un entrepreneur (sous-traitant) afin de garantir la bonne exécution de ses engagements contractuels par l'entrepreneur (sous-traitant), la réparation des défauts de construction durant la période de garantie ou encore la restitution de l'acompte versé en cas d'extinction anticipée de la convention.

Si l'engagement garanti n'est pas respecté, le maître d'œuvre ou l'entrepreneur principal pourra alors faire appel à la garantie bancaire. Ce qui soulève toutefois quelques points d'attention qui découlent du caractère autonome, abstrait et littéral de la garantie. Les contrats de construction internationaux peuvent en outre être régis par des règles internationales. Nous présentons brièvement ces points d'attention dans la présente Newsletter.

16 novembre 2021


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La relance de l'économie après les premières vagues de la pandémie du coronavirus a donné lieu, dans le secteur de la construction, à une flambée des prix des matières premières et des matériaux de construction. Lorsqu'on y ajoute encore les conséquences des précédents confinements et l'incertitude quant aux mesures à venir de lutte contre le coronavirus, on comprend aisément que les partenaires de la construction soient (encore) plus que jamais à la recherche de sécurité (financière). La garantie bancaire est un instrument utilisé régulièrement afin d'obtenir une telle sécurité, et plus particulièrement dans les contrats de construction internationaux.

 

Qu'est-ce qu'une garantie bancaire ?

Une garantie bancaire est un engagement de garantie impliquant généralement trois parties: le donneur d'ordre (qui fait établir la garantie), le bénéficiaire et la banque (qui fournit la garantie). Dans le cadre des contrats d’entreprises, la garantie sera généralement émise à la demande de l'entrepreneur ou du sous-traitant, le maître d'œuvre ou l'entrepreneur principal étant alors le bénéficiaire de la garantie bancaire. La banque paiera le bénéficiaire désigné si les conditions de la lettre de garantie sont remplies.

Dans le droit belge, la garantie bancaire se distingue par son caractère autonome, abstrait et littéral.

Le caractère autonome et abstrait signifie qu'en tant que convention distincte, la garantie bancaire est exclusivement traitée selon ses propres dispositions et accords, même si la garantie bancaire a été souscrite pour garantir des engagements spécifiques d'une convention sous-jacente.

Le caractère littéral porte sur les conditions d'appel de la garantie bancaire. Il doit être effectué en se conformant strictement au libellé et aux conditions de la lettre de garantie. Tout non-respect entraîne la nullité de l'appel.

Une des conséquences du caractère autonome et abstrait de la garantie bancaire est que l'extinction de la convention sous-jacente n'entraîne pas l'extinction de la garantie bancaire. Ce qui représente une différence essentielle par rapport à une caution qui, eu égard à son caractère accessoire, dépend bel et bien de la convention sous-jacente et prend toujours fin en même temps que s'éteint la convention sous-jacente.

Cette garantie bancaire est le plus souvent émise à la première demande, ce qui signifie que la banque doit procéder au paiement dès qu'elle a reçu un appel valable en ce sens (c'est-à-dire conforme aux termes de la garantie bancaire). La banque ne peut tenir compte d'exceptions que pourrait invoquer le donneur d'ordre de la garantie bancaire à l'encontre du bénéficiaire en vertu de la convention avec ce dernier. Les seules exceptions que souffre cette règle sont la fraude, l'abus de droit ou l'ordre public international.

Dans les contrats de construction, les garanties bancaires peuvent prendre plusieurs formes en fonction de l'engagement pour lequel le maître d'œuvre souhaite obtenir une sûreté. Les formes les plus usitées sont le performance bond, le warranty bond ou l'advance payment bond.

Par un “performance bond”, l'entrepreneur fournit en faveur du maître d'œuvre une garantie de respect des dispositions contractuelles du contrat d'entreprise. En cas de défaillance de l'entrepreneur et de motif de réclamation dans le chef du maître d'œuvre, ce dernier pourra choisir de faire appel à la garantie bancaire.

Le “warranty bond” est une garantie qui offre au maître d'œuvre une sûreté si l'entrepreneur s'abstient de remédier aux défauts pouvant éventuellement survenir au cours de la période de garantie de ses travaux.

Un “advance payment bond” a pour vocation d'offrir au maître d'œuvre l'assurance de pouvoir récupérer les acomptes versés dans l'éventualité où l'entrepreneur ne serait plus en mesure d'exécuter la convention (par exemple à la suite d'une faillite ou d'une extinction anticipée de la convention).

 

Points d'attention lors de l'appel d'une garantie bancaire

Si l'entrepreneur ne respecte pas ses engagements garantis, le maître d'œuvre a le droit d'appeler la garantie bancaire. Les choses sont toutefois moins simples qu'il y parait. L'appel d'une garantie bancaire doit littéralement satisfaire à toutes les conditions spécifiées dans ladite garantie bancaire.

Il est essentiel que le bénéficiaire appelle la garantie bancaire en temps utile. Lorsqu'elles fournissent une garantie bancaire, les banques stipulent généralement une date d'expiration fixe. Cette date d'expiration est une échéance. L'appel effectué après cette date d'expiration est par conséquent caduc. Le bénéficiaire de la garantie bancaire a donc tout intérêt à ne jamais perdre de vue la date d'expiration de cette garantie et à sommer par exemple en temps utile le donneur d'ordre de la garantie bancaire de faire procéder à la prolongation de ladite garantie bancaire. Étant donné que mieux vaut prévenir que guérir, le bénéficiaire peut couvrir ce risque lors des négociations contractuelles par l'insertion de clauses spécifiques (par exemple l'exigence d'une approbation formelle du texte de la garantie bancaire par le bénéficiaire).

L'appel doit en outre être effectué conformément à toutes les exigences imposées par le texte de la lettre de garantie: la bonne langue, la mention du contenu requis (par exemple l'énumération des inexécutions dans la lettre d'appel et l'envoi en annexe des mises en demeure à titre de justificatif), le tout à transmettre de la manière spécifiée dans la lettre de garantie (par exemple par courrier recommandé) à l'adresse indiquée en spécifiant les coordonnées exactes (par exemple une référence spécifique), etc.

Les contrats de construction internationaux sont par ailleurs fréquemment régis aussi par les Règles uniformes relatives aux Garanties sur Demande 758 (RUGD 758) ou encore Uniform Rules for Demand Guarantees 758 (URDG 758). Les RUGD 758, qui fixent des règles uniformes en matière de garanties bancaires sur demande venant compléter la garantie bancaire[1], stipulent notamment ce qui suit:

 

  • L'appel doit en principe être effectué par lettre et s'accompagner d'une déclaration du maître d'œuvre dans laquelle il précise en quoi le donneur d'ordre n'a pas satisfait à ses obligations découlant de la convention sous-jacente (art. 14, e) et art. 15, a) des RUGD).

  • L'appel doit également spécifier au titre de quelle garantie bancaire il est émis, par exemple en indiquant le numéro de référence de la garantie chez la caution (art. 15, sous c) des RUGD).

  • Après réception de l'appel, la banque analysera ledit appel dans un délai de cinq jours ouvrables. Si l'appel est valable, la banque devra procéder au paiement (art. 20, a) des RUGD). Cet article précise également que la date de l'appel est le jour où la lettre d'appel a été reçue et non celui où elle a été envoyée.

 

Conclusion

La garantie bancaire, et plus particulièrement le “performance bond”, peut être un instrument intéressant pour s'assurer du respect de ses engagements contractuels par l'entrepreneur.

L'existence d'une garantie bancaire ne constitue toutefois pas ipso facto une garantie de paiement. Lors de l'appel, le bénéficiaire devra examiner très scrupuleusement les exigences contractuelles de la garantie bancaire et s'y conformer. Une vigilance toute particulière sera de mise si les RUGD sont déclarées applicables. Dans ce cas, la garantie bancaire devra en effet être analysée en conjonction avec les RUGD afin de pouvoir émettre un appel valable de la garantie bancaire.

Pour davantage d'informations sur ce thème, n'hésitez pas à contacter Marco Schoups, Jens Rediers et Jérémy Vanderheyde.


[1] Pour autant que la garantie bancaire n'y déroge pas.

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