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Indemnités de non-concurrence - Etat des lieux à la lumière de la dernière jurisprudence de la Cour de cassation

Droit du travail

17 juin 2012


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I. Résumé Dans un arrêt du 19 mars 2012, la Cour de cassation a confirmé son point de vue selon lequel une indemnité de non-concurrence n’est pas soumise à charges sociales : 1. Lorsque celle-ci est accordée en vertu d’une clause de non-concurrence conclue après la fin du contrat de travail et 2. Pour autant que cette indemnité ne constitue pas une indemnité de préavis déguisée. Le Cour apporta toutefois certaines précisions utiles pour la pratique. II. Contexte 1. Le coût salarial en Belgique est élevé, c’est une évidence. Ce coût se ressentit notamment dans le cadre d’une rupture d’un contrat de travail. En effet, un employé dont le contrat est rompu par l’employeur a droit à un préavis ou à une indemnité de préavis. Selon la Cour de cassation, pour les employés dits « supérieurs », le nombre de mois de préavis est déterminé sur base de l’ancienneté, l’âge, la rémunération et la fonction du travailleur, tout en tenant compte des circonstances propres à la cause et des intérêts des deux parties. Par ailleurs, le préavis ne pourra être inférieur au minimum légal, à savoir 3 mois par tranche d’ancienneté de cinq années entamée . Pour déterminer les préavis des employés dits supérieurs , il est communément fait appel à des grilles de calculs, dont la grille Claeys est la plus connue. En pratique, selon le cas, la grille Claeys peut donner des résultats de 1 à 1,2 mois de préavis par années d’ancienneté, ce qui génère des préavis élevés, certainement pour les employés ayant une importante ancienneté. 2. En vertu de la règlementation relative à la sécurité sociale, la rémunération payée pendant le préavis ainsi que l’indemnité compensatoire de préavis sont soumises aux cotisations sociales. En effet, en vertu de l’article 14 § 1er de la Loi du 27 juin 1969 Loi révisant l'arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs, les cotisations sociales sont dues sur les rémunérations et avantages auxquels le travailleur a droit en raison de son engagement. Le fait qu’une indemnité de préavis soit soumise à cotisations sociales représente donc un surcoût considérable pour les employeurs, certainement en comparaison avec le montant net qui sera finalement payé au travailleur. Compte tenu de ce contexte, la pratique sociale s’est montrée particulièrement créative dans la recherche de solutions permettant de réduire le coût de licenciement d’un travailleur. III. Clauses de non-concurrence post-contractuelles 1. Une des solutions ainsi développées consiste à limiter l’indemnité de préavis, tout en complétant celle-ci par une indemnité payée en vertu d’une clause de non-concurrence conclue avec le travailleur après la fin de son contrat de travail. La philosophie de ce système est que l’indemnité de non-concurrence n’est pas soumise à cotisations sociales car elle n’est pas considérée comme de la rémunération « en raison de l’engagement »  du travailleur, puisqu’elle est accordée en application d’une clause de non-concurrence conclue après la fin du contrat de travail. Ceci permet à l’employeur de limiter le coût du licenciement, tout en assurant un montant net plus élevé au travailleur. Ce système n’est toutefois pas sans failles. 2. De manière tout à fait compréhensible, l’ONSS a, à plusieurs reprises, argumenté devant les juridictions du travail ainsi que devant la Cour de cassation que l’indemnité payée en vertu de clause de non-concurrence doit être considérée comme de la rémunération soumise à charges sociales, même lorsque cette clause a été conclue après la fin du contrat de travail. Or, dans un arrêt de 2003, la Cour de cassation avait estimé qu’une telle indemnité ne peut être considérée comme de la rémunération et, partant, que celle-ci n’est pas soumise à charges sociales. La Cour estima qu’une telle indemnité, payée en contrepartie de l’engagement du travailleur de ne pas concurrencer son ex-employeur, n’est pas accordée « en raison de son engagement », mais en bien en vertu d’un contrat conclu ultérieurement. La Cour ajouta toutefois que ceci ne vaut que pour autant que l’indemnité de non-concurrence ne constitue pas une indemnité de préavis déguisée. En d’autres termes, la clause de non-concurrence ne peut être conclue dans le seul but d’éviter le paiement d’une indemnité de préavis. 3. Dans un arrêt du 19 mars 2012, la Cour de cassation a confirmé son point de vue, tout en y ajoutant une précision qui n’est pas sans importance d’un point de vue pratique. Ainsi, la Cour précisa que ni le fait que la convention de non-concurrence ait été signée après que l‘employeur ait procédé au licenciement mais avant que le contrat de travail n’ait pris effectivement fin, ni le fait que la clause de non-concurrence ait fait l’objet d’une annonce dans la convention relative à la rupture du contrat de travail, ne permettent de conclure que l’indemnité de non-concurrence aurait été accordée en raison de la rupture du contrat de travail. En d’autres termes, la Cour de cassation estime que l’indemnité de non-concurrence accordée en vertu d’une convention conclue après le licenciement mais avant que le contrat de travail prenne effectivement fin (p.e. pendant le préavis), ne doit pas être considérée comme ayant été accordée en en raison de l’engagement ou en raison de la rupture du contrat de travail. Attention toutefois : la condition selon laquelle l’indemnité de non-concurrence ne peut avoir été accordée en lieu et place de l’indemnité de préavis reste d’application. 4. La question de savoir si une indemnité de non-concurrence constitue une indemnité de préavis déguisée doit être analysée au cas par cas. Or, il est évident que la situation où l’indemnité de préavis accordée au travailleur est trop limitée (p.e. au minimum légal) ou encore le fait qu’une indemnité de non-concurrence ait été accordée à un travailleur qui, eu égard à ces fonctions, n’est pas en mesure de concurrencer son employeur, peuvent poser problème. IV. Quid des indemnités accordées en vertu d’une clause de non-concurrence conclue pendant le contrat de travail ? Concernant les indemnités payées en vertu d’une clause de non-concurrence conclue pendant l’exécution du contrat ou à l’occasion de l’entrée en service du travailleur, la situation reste inchangée. Ces indemnités sont considérées comme étant accordées en raison de l’engagement du travailleur et sont donc soumises à charges sociales. Précisons également que les clauses de non-concurrence conclues lors de l’engagement ou pendant l’exécution du contrat de travail sont soumises à des conditions légales strictes. Pour plus d’informations à ce sujet, veuillez nous contacter. V. Conclusions Compte tenu de ce qui précède, une distinction doit être faite entre les clauses de non-concurrence conclues pendant l’occupation du travailleur et celles conclues après la fin du contrat de travail. L’indemnité de non-concurrence payée au travailleur en vertu de la première catégorie sera toujours considérée comme de la rémunération et donc soumise aux cotisations sociales. Par contre, l’indemnité de non-concurrence payée en vertu des clauses de la deuxième catégorie ne sera  pas soumise à charges sociales, pour autant que les conditions suivantes soient satisfaites simultanément: • L’indemnité devra être payée en vertu d’une clause de non-concurrence conclue après la fin du contrat de travail. La précédente jurisprudence de la Cour de cassation impliquait que la clause de non-concurrence ne pouvait être conclue qu’après la fin effective du contrat de travail, p.e. un mois après la rupture. Or, en vertu de la nouvelle jurisprudence, la clause non-concurrence peut en principe déjà être négociée pendant le préavis du travailleur. Une certaine prudence s’impose malgré tout. Ainsi, nous estimons préférable d’attendre la fin effective de la relation de travail avant de conclure la clause de non-concurrence. • L’indemnité ne doit pas constituer une indemnité de préavis déguisée. Ceci signifie que l’employeur devra en tout état de cause payer une indemnité de préavis (ou notifier un préavis) suffisant au travailleur. Nous déconseillons aux employeurs de limiter le préavis au minimum légal, tout en payant la différence entre ce minimum et la grille Claeys sous forme d’une indemnité de non-concurrence. • Enfin, la clause de non-concurrence doit être « crédible ». Nous déconseillons de conclure une telle clause avec un travailleur dont il peu probable qu’il soit en mesure de développer des activités concurrentes. A cet égard, nous pensons notamment aux employés exerçant des fonctions inférieures. Par ailleurs, une clause de non-concurrence post-contractuelle ne sera envisageable que pour autant que le travailleur ne soit pas déjà tenu par une clause de non-concurrence conclue pendant son occupation. En résumé, même si les conditions, devant être satisfaites pour qu’une indemnité de non-concurrence soit dispensée de cotisations sociales, ont été quelque peu assouplies, la prudence reste de rigueur. Bruxelles, le 18 juin 2012

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