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Du neuf en matière de discrimination fondée sur l’état de santé des travailleurs

Droit du travail

Un jugement du 7 avril 2022 du tribunal du travail de Nivelles [1] décide que le licenciement d’un travailleur en retour de maladie peut-être discriminatoire ; le législateur embraye le pas. Un employeur a été condamné à payer une indemnité forfaitaire de 6 mois de rémunération, pour discrimination sur base de l'état de santé, à la suite du licenciement d’une travailleuse de retour d’incapacité de travail.

28 octobre 2022


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Les faits

 

Une travailleuse en incapacité de travail (depuis 3 mois) annonce à son employeur qu’elle va reprendre le travail quelques jours plus tard, ce qui est acté par l’employeur. Le lendemain, l’employeur lui annonce qu’elle sera mise au chômage pour force majeure corona à son retour, en raison de la situation pandémique.

 

Elle sera licenciée moyennant un préavis de 12 semaines, le jour de sa mise en chômage[2] pour un motif d’ordre économique (suppression de son poste).

 

Selon la travailleuse, son licenciement est (i) discriminatoire sur base de son état de santé (ii) manifestement déraisonnable, et ( iii) abusif.

 

Elle saisit donc le tribunal du travail de Nivelles.

 

Décision du tribunal

La discrimination sur base de l’état de santé est prouvée

 

Le tribunal va analyser de manière très fouillée, si le motif d'ordre économique pour justifier le licenciement est établi et après avoir analysé les listing Dimona, les organigrammes déposés et des échanges de courriels, conclure que la suppression de poste n’est pas démontrée. De plus, l’employeur n’arrive pas à produire des donnée chiffrées objectives permettant d’apprécier l’impact de la situation pandémique, ni à établir son choix de licencier cette travailleuse en particulier alors que des travailleurs ayant une moindre ancienneté étaient en service.

 

Le tribunal estime donc que la travailleuse rapporte des éléments permettant de présumer l'existence d'une discrimination directe fondée sur son état de santé actuel ou futur, compte tenu du fait qu’elle ait été licenciée immédiatement a l'issue de l'échéance de son dernier certificat médical, sans qu'elle ait pu reprendre le travail.

 

Le tribunal accorde donc une indemnité forfaitaire de 6 mois de rémunération à la travailleuse victime de discrimination sur base de l’état de santé.

L’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable n’est pas due mais le licenciement est abusif

 

L’indemnité pour licenciement manifestement déraisonnable n’est pas cumulable avec l'indemnité pour licenciement discriminatoire, cette dernière n’est donc pas due.

En revanche,  selon le tribunal, les événements et l'annonce du licenciement ont pu surprendre brutalement la travailleuse. Invoquer une situation de chômage pour force majeure et ensuite décider de son licenciement peut manquer de cohérence et paraitre peu respectueux des attentes légitimes du travailleur qui revient d'incapacité de travail et qui s'attend à pouvoir reprendre sa fonction.  II s'agit d'un dommage moral particulier qui est distinct de celui couvert par l'indemnité compensatoire de préavis et par l'indemnité pour licenciement discriminatoire.

Le tribunal accorde une indemnité  supplémentaire de 5.000 EUR à la travailleuse évalué en équité, pour couvrir le dommage moral qu’elle a subi.

 

Que retenir de ce jugement ?

Même s'il s'agit d'un jugement qui peut encore faire l'objet d'un appel, nous pouvons déjà en tirer quelques  leçons.

L’employeur qui envisage de rompre le contrat de travail d’un travailleur qui revient d’incapacité doit toujours agir avec la plus grande des prudences. Il devra pouvoir démontrer que le licenciement a un motif réel ( lié au comportement ou à la compétence du travailleur) sans lien avec la (fin de la)  maladie et pouvoir le prouver avec des pièces concrètes ( avertissements par exemple).

L’employeur qui invoque le motif économique devra non seulement prouver la réalité de ce motif mais également  pouvoir expliquer pourquoi il a choisi de licencier un travailleur en retour de maladie, plutôt qu’un autre, l’ancienneté étant un critère souvent retenu par les Cours et tribunaux.

Enfin, l’employeur devra bien entendu être respectueux dans la manière de rompre le contrat et éviter de changer d’avis ou de rompre trop brutalement le contrat.

3 mois plus tard : une proposition loi élargissant la protection de l’état de santé est approuvée.

Le lutte contre la discrimination liée à l’état de santé est un sujet brûlant, puisque 3 mois après ce jugement inédit, le Parlement approuvait le 7 juillet dernier,  en séance plénière une proposition de loi[3] visant à remplacer le terme  « état de santé présent ou futur » visé par la loi anti discrimination, par celui plus général  « d'état de santé ».

 

Cette terminologie plus large vise à élargir la protection à l’état de santé antérieur du travailleur lequel n’était pas protégé par la loi anti-discrimination.

Conclusion

Tant le monde judiciaire que notre législateur  accordent de plus en plus une grande importance à la protection de l’état santé comme critère de non-discrimination.

L’employeur veillera donc à redoubler de prudence en cas de licenciement d’un travailleur en maladie ou anciennement malade !



[1] Jugement du 7 avril 2022

[2] Au moment des faits (mai 2020), le préavis n’était pas suspendu durant la mise en chômage pour force majeure

[3]Projet de loi modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre certaines formes de discrimination en ce qui concerne le motif de discrimination fondé sur l'état de santé. Doc. Parl, 55,n° 2227


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