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Désolé semble être le mot le plus difficile. Des excuses en tant que possibilité de réparation en nature.

Droit des entreprises

Dans un arrêt récent du 26 novembre 2021, la Cour de cassation a estimé que présenter ses excuses pouvait tenir lieu de réparation en nature d’un préjudice moral subi et qu’elles pouvaient donc faire l’objet d’une demande en justice.[1]

16 février 2022


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La divulgation intempestive d’une note provenant d’une réunion à huis clos d’une commission d’enquête parlementaire a fait circuler le nom de monsieur X en lien avec des organisations gravitant autour des milieux d’extrême droite. Cette fuite eut tôt fait de filtrer dans les médias et de braquer les projecteurs sur monsieur X.

 

À tort, comme les faits l’ont montré par la suite. Après des plaintes auprès du Comité R (qui est chargé de la surveillance des services de renseignements et de sécurité), il a été décidé que monsieur X avait été victime d’un 'circuit parallèle et non officiel au sein de la Sûreté de l’État', et que les rapports contenaient des allégations, des suspicions et des suppositions dénuées de toute nuance et non vérifiées. Après les longues années de bataille procédurale contre l’État belge qui ont suivi, la Cour d’appel de Mons a finalement été saisie de cette affaire.

 

Devant cette Cour, monsieur X poursuit la condamnation de l’État belge à lui envoyer (en plus du paiement d’un dédommagement moral) une lettre cosignée par le ministre de la Justice et par l’Administrateur général de la Sûreté de l’État dans laquelle ce dernier retire les accusations formulées à son encontre et, surtout, lui présente ses excuses.

 

Tant en première instance qu’en degré d’appel, le juge a décidé qu’un préjudice avait bien effectivement été porté à la réputation de monsieur X. Des dommages et intérêts lui furent accordés. La demande d’excuses officielles fut toutefois rejetée par la Cour d’appel de Mons au motif qu’une compensation financière censée couvrir le préjudice avait déjà été accordée.

 

La Cour de cassation vient de casser l’arrêt susmentionné.

 

En Belgique, la réparation en nature d’un préjudice est communément admise comme étant le mode de réparation normal d’un dommage, à privilégier par rapport à la réparation par équivalent.

 

En principe, le juge est tenu d’accorder une réparation en nature lorsque celle-ci est demandée par la partie préjudiciée, à moins que cela ne soit pas (plus) possible ou constitue un abus de droit. Si la réparation en nature n’est pas possible, des dommages et intérêts sont alors accordés à titre de réparation par équivalent.

 

Dans la pratique, l’octroi d’un dédommagement financier est souvent pour ne pas dire systématiquement considéré comme étant le seul mode de réparation possible pour une partie préjudiciée. Or, une telle réparation n’est pas toujours suffisante, voire adéquate.

 

Songeons, par exemple, à la calomnie et à la diffamation, à l’atteinte à la réputation, comme c’était en l’espèce le cas, mais aussi à la situation d’une entreprise qui se voit discréditée sur le marché par un concurrent. Dans de tels cas, un simple dédommagement financier sera insuffisant pour réparer – en droit – le préjudice subi. Souvent, les parties cherchent aussi (et surtout) à faire reconnaître l’injustice dont elles ont été victimes, avec à la clé la présentation d’excuses.

 

Dans notre système juridique, les excuses sont toutefois souvent évitées avec soin. Présenter des excuses équivaut en effet à reconnaître ses torts, ce qui peut conduire (juridiquement) à une action en dommages et intérêts voire à des poursuites au pénal.

 

Selon les tendances récentes, imposer des excuses (publiques ou non) en guise de reconnaissance du préjudice de la partie lésée est considéré comme une réparation possible – comme dans le cas présent – du préjudice moral subi. La réparation en nature devant être privilégiée, lorsque c’est possible, par rapport à une réparation par équivalent, une demande d’excuses ne peut donc être sans plus balayée d’un revers de la main par un juge au motif qu’une indemnisation financière aurait déjà été accordée. La Cour de cassation confirme que les deux réparations peuvent parfaitement être prononcées conjointement.

 

[1] Cass., RG C.20.0578.F, 26 novembre 2021 (X. Y. / ÉTAT BELGE), www.juridat.be.

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