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Contrat d'agence commerciale ou contrat de franchise nul ? Les dures leçons de Gand

Droit de la distribution & pratique du marché

05 décembre 2019


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L'un des principaux points névralgiques contenus dans la loi sur l'information précontractuelle est son champ d'application précis. Il est clair que ce que l'on entend classiquement par franchisage est en tout cas compris. Cependant, il ne fait aucun doute que le droit a aussi une vocation plus large. A l'instar de la France, les concepts de "franchise" et de "contrat de franchise" ont été volontairement évités. Malheureusement, il n'a pas été précisé à quelles autres formes de contrats la loi pourrait s'appliquer.

Au départ, il semblait évident que les contrats d'agence (représentants commerciaux indépendants) n'étaient en tout état de cause pas affectés. La loi du 19 décembre 2005 s'appliquait aux "accords de partenariat commercial conclus entre deux personnes, qui agissent chacune en son propre nom et pour son propre compte",(...)". (Article 2). L'agent commercial, par contre, agit "au nom et pour le compte de" son commettant. Cependant, une partie de la doctrine juridique a rejeté cette interprétation. Dans son avis n° 2009/04, la commission d'arbitrage instituée en vertu de la loi précitée a fait connaître son accord sur ce point. Malgré les critiques, le législateur a finalement suivi cet avis lors de la transposition de la loi dans le CDE et a supprimé la condition selon laquelle il fallait agir "en son propre nom et pour son propre compte". L'une et l'autre signifient qu'il ne fait plus aucun doute que le droit peut également s'appliquer à un contrat d'agence commerciale (bien réel).

Malheureusement, le législateur n'a pas pris la peine de préciser à quels agents commerciaux la loi est destinée. Il est seulement clair que la loi ne s'applique pas aux agences bancaires ni d'assurance (article X.26, paragraphe 2 du CDE). Cette incertitude (juridique) contraste fortement avec les sanctions draconiennes. En cas de non-respect, l'acquéreur du droit peut "invoquer" la nullité de l'ensemble de l’accord (article X.30, paragraphe 1 du CDE) ou de dispositions particulières (article X.30, paragraphe 2 du CDE). Le tribunal n'a pas de pouvoir discrétionnaire à cet égard, sauf en cas d'abus de droit.

Un jugement du tribunal de l’’entreprise de Gand, section Gand, illustre bien la problématique. En l'espèce, le litige concernait un contrat d'agence commerciale (écrit) conclu entre un courtier indépendant entre des entreprises et des fournisseurs d'énergie, en qualité de commettant, et un de ses agents commerciaux pour la Belgique. Suite à une prétendue violation de la clause de non-concurrence et probablement pour éviter la sanction qui lui a été imposée, l'agent a invoqué la nullité de l'accord sur la base des articles X.27-28 CDE. Le commettant a reconnu qu'il n'avait aucunement respecté ces dispositions, mais il a contesté qu'elles étaient applicables en l'espèce.

Toutefois, le tribunal a jugé que le présent accord devait effectivement être considéré comme un accord de partenariat commercial au sens de l'article I.11,2° CDE puisque l'agent utilisait des cartes de visite portant le nom (commercial) du commettant, et qu'il communiquait avec les clients (potentiels) via une adresse électronique du commettant, que les offres et instructions étaient émises par celui-ci "indiquant l'utilisation par les parties d'un nom commercial commun" et que l'accord prévoyait la fourniture par le commettant de toutes informations et documentation nécessaires, ce qui "constitue une formule commerciale au sens de l'"assistance commerciale et technique". En raison de la nullité, il ne pouvait également y avoir violation d'une clause de non-concurrence. Le simple fait que l'agent ait invoqué la nullité d'une manière apparemment opportuniste ne constituerait pas encore un abus de droit. L'agent n'était pas non plus tenu de rembourser les commissions et les honoraires reçus.

En ce qui concerne l'annulabilité et ses conséquences, ce jugement est conforme aux attentes. On peut se demander si la fourniture des "informations et documents nécessaires" en soi peut être considérée comme une formule commerciale. En outre, il semble assez évident que les devis émaneraient du commettant. En règle générale, un agent commercial ne fait qu’office de médiateur à l'égard de clients (potentiels). Pour la même raison, il est évident que dans sa mission de médiateur, l'agent utilise le nom (commercial) de son commettant, ce qui ne rend pas ce nom "commun" au sens de l'article I.11,2° du CDE.

Compte tenu du manque persistant de clarté et de l'ampleur des conséquences possibles, il importe néanmoins que chaque commettant-candidat vérifie si la loi sur l'information précontractuelle pourrait être applicable et, en cas de doute, remplisse les formalités nécessaires. C'est notamment le cas lorsque les clauses de non-concurrence et autres obligations post-contractuelles sont d'une grande importance pour ce commettant. En cas de non-respect de ces formalités, il apparaît comme potentiellement déterminant que l'agent commercial se présente (simplement) comme un entrepreneur indépendant proposant certaines marques, et qu’il n'agisse donc pas sous la marque et/ou le nom commercial de son commettant.

Plus d'informations à ce sujet via Dave Mertens (auteur).

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