sr.search

Clauses de révision de prix dans le secteur de la construction : la nouvelle normalité ?

Droit privé de la construction

Les prix des matériaux de construction et les salaires enregistrent de très fortes hausses depuis un certain temps, en particulier sous l’effet de la pandémie de covid-19, de la guerre en Ukraine et de l’inflation galopante.

Pour faire face à ces hausses de prix, une ancienne connaissance a récemment fait son retour dans le secteur de la construction (résidentielle) : la clause de révision de prix. Cette clause permet à l’entrepreneur d’ajuster son prix en fonction de paramètres spécifiques et de répercuter ensuite cette augmentation de prix.

Mais quels sont les éléments dont les entrepreneurs, les maîtres d’ouvrage et les promoteurs doivent tenir compte lors de la rédaction d’une telle clause ? Le présent bulletin d’information propose un tour d’horizon des principaux points à prendre en considération.

17 mai 2023


Contact

Dans le secteur de la construction, les frais de personnel et le coût des matériaux sont les postes de dépenses les plus importants d’un entrepreneur. Les augmentations éventuelles de ces coûts peuvent être compensées contractuellement par le biais d’une clause de révision de prix.

 

La formule de calcul de cette révision de prix, qui est reprise dans la clause de révision de prix, fait souvent référence à certains indices publiés, comme notamment l’« indice S » (pour les salaires et les charges sociales) et l’« indice I (2021) » (pour les matériaux).[1] Ils sont comparables au panier d’indices que nous connaissons pour les salariés et qui ont récemment fait couler beaucoup d’encre dans le contexte inflationniste que nous connaissons.

 

Conditions — Dans les contrats de construction privés, les parties contractantes sont en principe libres de stipuler ou non une clause de révision de prix. Si les parties souhaitent se ménager la possibilité de réviser le prix après la conclusion du contrat, elles sont alors tenues d’inclure une telle clause.

 

Sauf dans certains cas spécifiques (voir ci-après), la clause de révision de prix doit respecter les dispositions de l’article 57 de la loi du 30 mars 1976 relative aux mesures de redressement économique, à savoir :

 

  • la clause de révision de prix convenue peut uniquement donner lieu à une révision de maximum 80 % du prix convenu ;

  • la révision de prix ne peut intervenir que sur la base de paramètres qui représentent les coûts réels (par exemple, la main-d’œuvre, les matériaux), le poids de ces paramètres dans la formule de révision de prix devant correspondre à leur poids réel dans le prix à réviser.

Une clause de révision de prix doit par ailleurs toujours fonctionner dans les deux sens. Elle doit donc pouvoir entraîner à la fois une augmentation et une diminution du prix à réviser.

 

Partie non révisable — Le plafond de 80 % mentionné ci-dessus connaît quelques exceptions. La décision du 19 mai 2010, qui concerne les contrats de construction privés, autorise les entreprises appartenant aux secteurs « Contracting & maintenance » et « Montage et grues » à insérer dans leurs accords commerciaux des clauses de révision de prix leur permettant une complète révision du prix convenu (au lieu des 80 % maximum). Cette exception est néanmoins limitée aux contrats qui reposent sur des tarifs horaires.

Paramètres pertinents — La loi relative aux mesures de redressement économique impose en outre aux parties contractantes qui souhaitent convenir d’une clause de révision de prix d’examiner attentivement sur la base de quels paramètres elles souhaitent qu’intervienne cette révision de prix. La loi relative aux mesures de redressement économique interdit en effet de lier un prix ou un paramètre à l’indice des prix à la consommation ou à tout autre indice général (comme l’indice de santé).

 

Les parties doivent par conséquent utiliser des paramètres objectifs et pertinents pour réviser le prix convenu, tels que l’indice S (salaires) et l’indice I (matériaux) publiés par le SPF Économie.[2]

 

Un nouvel indice I pour les matériaux a récemment été introduit : l’indice I-2021. L’(ancien) indice I n’est plus publié depuis le 1er janvier 2023. Pour les nouveaux contrats, les parties contractantes doivent donc utiliser le (nouvel) indice I-2021. Vous trouverez de plus amples informations concernant l’application de l’indice I-2021 sur le site web du SPF Économie.[3]

 

Élément d’extranéité — Certains services ou contrats ne sont pas soumis à la loi relative aux mesures de redressement économique, comme les services fournis par le titulaire d’une profession libérale ou dans le cadre d’un marché public. Ils ne doivent donc pas répondre aux conditions de l’article 57 de la loi relative aux mesures de redressement économique.

Les contrats comportant un « élément d’extranéité » constituent une exception intéressante. La loi relative aux mesures de redressement économique ne leur est en principe pas applicable, à moins que ces contrats se rapportent à des prestations à effectuer en Belgique par des parties résidant en Belgique (art. 57, § 6 de la loi relative aux mesures de redressement économique). Cette dernière disposition est destinée à éviter que les parties contractantes qui effectuent des prestations en Belgique puissent contourner les effets de la loi relative aux mesures de redressement économique tout simplement en optant pour l’applicabilité d’un droit étranger.

Distinction par rapport au nouvel article 5.74 du Code civil – La révision de prix d’un contrat sur la base d’une clause de révision de prix convenue contractuellement est à distinguer d’une révision de prix sur pied du nouvel article 5.74 du Code civil qui repose sur un changement de circonstances.

L’article 5.74 du Code civil prévoit qu’un contrat peut être modifié ou qu’il peut y être mis fin si un changement de circonstances intervenu après la conclusion du contrat, qui était imprévisible pour le débiteur et ne lui était pas imputable, alourdit l’exécution du contrat à un point tel qu’il ne serait plus raisonnable d’en exiger l’exécution dans les conditions convenues.

Même si les parties contractantes n’ont pas prévu de clause de révision de prix dans leur contrat, le prix convenu pourra néanmoins encore être révisé sur la base de l’article 5.74 du Code civil susmentionné, pour autant que (i) l’article 5.74 du Code civil s’applique à leur contrat et que les parties n’aient pas exclu cet article dans le contrat et (ii) que les conditions de l’article 5.74 du Code civil soient remplies.

Sanction —
Toute clause de révision de prix qui ne respecte pas les dispositions de la loi relative aux mesures de redressement économique est absolument nulle. Ce qui signifie que la clause est réputée n’avoir jamais existé. La partie contractante qui a payé des montants sur la base d’une clause de révision de prix frappée de nullité peut par conséquent, en principe, demander le remboursement des indexations précédemment payées.

 

 

Jens Rediers et Tom Lenaerts se tiennent à votre disposition pour toute question concernant une clause de révision de prix dans vos contrats de construction, conditions générales ou particulières.

 



[1] Aussi appelé l’« indice Mercuriale ».  En ce qui concerne l’indice I des matériaux de construction, un nouvel indice (« indice I 2021 ») calculé à partir de novembre 2020 a été introduit en 2021. Il est prévu que les contrats se fondent exclusivement sur ce nouvel « indice I 2021 » à partir de 2021.

[2] https://economie.fgov.be/fr/themes/entreprises/secteurs-specifiques/construction/adaptation-des-prix-lindex

[3] https://economie.fgov.be/sites/default/files/Files/Entreprises/Mercuriale-Comment-appliquer-l-indice-I-2021-dans-une-formule-de-revision-de-prix.pdf

Corporate Social Responsibility

Lire plus

Vacatures

  • Avocats 11
  • Staff
Lire plus